DESIGN | EXPO

Roger Tallon

10 Sep - 29 Oct 2005
Vernissage le 10 Sep 2005

Cette rétrospective du designer présente des œuvres des années soixante sur le thème du «design total» : du mobilier, de la vaisselle, des «modules»... Il envisage les objets sous tous leurs aspects, sans leur assigner de fonction définitive. Une réflexion sur la nature même du design, ou comment créer un environnement complet à la fois cohérent et dynamique.

Roger Tallon
Roger Tallon

Designer, projeteur, chercheur, dessinateur d’objets, tels sont quelques mots que Roger Tallon utilise pour se présenter. Il ne faut pas y voir une hésitation ou de la présomption, mais le mouvement d’un esprit tout entier tendu vers la découverte des formes justes déduites de l’analyse des fonctions propres aux projets sur lesquels Tallon a été amené à travailler depuis cinquante ans. On peut en citer quelques-uns parmi les plus connus : le Corail, le TGV, le Météor ou le funiculaire de Montmartre. Dans toutes ces réalisations, il a su développer son concept de «design total», dans une lutte permanente contre la «designo-déficience» de l’industrie et de la société contemporaines.

Dès les années 1950, Roger Tallon a côtoyé l’avant-garde artistique. Il a collaboré par exemple avec Yves Klein, notamment pour ses projets d’architecture de l’air. De telles amitiés et collaborations ont pu donner à Tallon le goût de l’utopie, du défi et cette volonté de penser entièrement un environnement.
Prendre le TGV, ce n’est pas seulement se déplacer de Paris à Lyon. C’est surtout expérimenter, deux heures durant, la dynamique qui va de la conception à la forme, en s’appropriant une structure ouverte qui permet à chacun de devenir lui aussi designer. Le dynamisme est ainsi la caractéristique dominante du design tel que le conçoit Roger Tallon. Il s’agit d’abord de donner un sens aux déplacements (ses grands projets ont été des véhicules, ou le design comme vecteur), mais surtout de bouger les frontières, de ne pas assigner de délimitation aux objets et de les envisager sous tous leurs aspects pour dépasser l’apparences des contradictions. Dans cette recherche du diffus, Tallon en est venu à dissoudre l’objet et ses fonctions en créant, par exemple, le concept de «module». C’est une révolution qui, à l’idée masculine et brutale de fini, substitue les valeurs de la féminité, du puzzle et du collectif. Les éléments se combinent en ensembles toujours susceptibles de transformations, pour un design à vivre.

Les pièces que présente notre exposition portent la triple marque du «système Tallon»: esprit d’invention et de liberté; inachèvement définitif; logique des flux.
L’escalier hélicoïdal (1964), avec ses marches de pétales, restitue comme aucun autre la décomposition du mouvement tournant de l’hélice. Ses qualités aéronautiques renvoient ainsi à Marrey ou Muybridge avec une économie visuelle elliptique qui n’exclut pas la variété. Son élégante dialectique vide/plein est proche de certaines installations de Buren, par exemple.
Le Module 400 (1965) fut conçu pour l’aménagement d’une boîte de nuit. Occupant un ancien garage, le lieu devait évoquer un tronçon d’autoroute. Tallon en quadrilla le sol de dalles métalliques de 400 x 400 mm de côté. Le propos et la forme rappellent les sculptures de Carl Andre à la même époque. Selon l’affluence, certaines ces dalles pouvaient se remplacer par des tables ou des chaises d’un piètement de même métal et de mêmes dimensions.
La chaise Wimpy (1960) est un siège démontable qui se présente comme un hommage à Eames. Sa formule arithmétique serait 4-2-4 : quatre pieds en fonte d’aluminium, deux coques semblables en bois moulé pour l’assise et le dossier, réunies par quatre vis de montage.
La moto Le Taon date de 1956. Elle combine les idées de déplacement, de vitesse et l’intégration de divers éléments en une ligne unique. L’appellation rappelle le vrombissement du moteur, en même temps qu’elle contracte le nom de son créateur en une sorte de Tallon sans ailes, lointaine préfiguration du TGV, conçu comme un avion réduit à son fuselage.
Ce nominalisme se retrouve dans le siège Zombie (1967) sous une forme plus visuelle et figurée. Il s’agit au fond de faire asseoir le corps sur une forme elle-même corporelle. Ces drôles de fantômes en plastique jaune signalent comme un état limite du mobilier, réduit à son état purement spirituel de «protoforme», autre mot-clé du système Tallon.
Quant à la vaisselle, elle est regroupée sous l’appellation générique de «3T». «3», pour couverts, vaisselle et verres; «T», pour «Table», mais aussi pour Tallon. Avec ses formes arrondies, elle illustre une autre idée, fondamentale depuis toujours dans son travail: celle du tour, mot à prendre dans tous ses sens.

L’exposition témoigne de la cohérence du travail de Roger Tallon, mais aussi de ce qu’on pourrait appeler son dédoublement. Les réalisations effectives sont inséparables d’une réflexion critique profonde sur les conditions et la nature même du design, ce qui est l’apanage des seuls grands artistes.

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