ART | EXPO

Ritournelle et déhanchement

16 Mai - 21 Juin 2009
Vernissage le 16 Mai 2009

L’observation du réel, y compris ce qu’il comporte de plus anecdotique a priori, constitue une activité maîtresse dans la pratique de Linda Sanchez, dont émane un ensemble d’installations comme autant de micro expériences réinventant le quotidien.

Linda Sanchez
Ritournelle et déhanchement

Linda Sanchez, La réinvention du quotidien
Cultivant la poésie des inventaires, Linda Sanchez passe le quotidien au crible de son regard, hyperactif. L’observation du réel, y compris ce qu’il comporte de plus anecdotique a priori, constitue au sein de sa démarche une activité maîtresse dont émane un ensemble de notes, micro expériences, faits et gestes faisant oeuvre. Extractions, prélèvements et autres récupérations nourrissent une oeuvre qui se plaît à explorer les espaces interstitiels et transitoires, refuges de tous les possibles.

Au statut de produit fini, ses oeuvres préfèrent le fragile équilibre de figures in progress. Lorsqu’elle ne se contente pas de « braconner » les situations irrégulières que met à sa disposition le réel comme autant de ready made prêts à être cueillis, l’artiste a le plus souvent recours à des matériaux usuels et pauvres, empruntés à la sphère domestique, de la purée de pomme de terre (En attendant que ça refroidisse ?, 2006) au papier à imprimer en passant par le bois et la vaisselle.

Dans une frénésie rhizomique, les fragments se multiplient et s’accumulent, autorisant de possibles rajouts, extensions et autres excroissances à venir, à l’image de la nuée informe que composent des dizaines de multiprises branchées les unes aux autres (Le Potentiel, 2007).

Élaborée à partir de toiles d’araignée glanées au gré des flâneries de l’artiste, À la pêche (2007) est une oeuvre à échelle variable dont la trame naturelle, reportée sur un fond noir, crée à distance un dessin fébrile, artificiellement souligné par du fil de pêche.

Dans le travail de Linda Sanchez, la représentation du réel passe le plus souvent par sa dissection, sa décomposition, sa destruction et sa restitution, voire sa métamorphose… Ainsi, avec 30 cm (2008), elle conçoit un livre dont l’épaisseur éponyme correspond à celle de la bûche qu’il représente, successivement scannée et poncée, jusqu’à sa disparition.

Réduit en poussière, l’objet, conservant dans sa transformation un caractère sculptural, se réincarne à travers l’ouvrage qui, page après page, montre les subtiles variantes de la surface du bois, (ré)animée dans toute sa profondeur… Une image temps, et mouvement, illustrée par ailleurs par l’installation Débattre la mesure (2007) : une série d’horloges dont le ballet chaotique génère une cartographie aléatoire en permanente reconfiguration.

Au prix d’une rumination quotidienne, l’artiste récupère des centaines de papiers de chewing-gum Hollywood bleu et vert dont la stratification engendre un modeste lingot (Ruminant, 2006), la fragilité du papier aluminium se trouvant controversée par la solidité de l’objet métallique obtenu.

Des rapports de forces qui font l’objet d’un ensemble d’oeuvres expériences alliant une approche théorique, quasi scientifique, à une multitude de travaux pratiques.

La Partie pour le tout (2007) – des poissons rouges pris dans des bulles en pâte à ballon flottant dans un bocal rempli d’eau – se révèle exemplaire quant à la dimension non seulement métonymique, mais tautologique de nombre de travaux de Linda Sanchez, comme le suggèrent notamment les oeuvres User du vent pour produire du vent (2007), faisant interagir une éolienne et un ventilateur de part et d’autre du lieu d’exposition, ou Page(s) (2006), un flip book représentant, image par image, une page en train de se tourner, mais dans le sens inverse de défilement.

Avec une grande économie de moyens, Linda Sanchez s’applique à une constante réinvention du quotidien, (ab)usant du réel comme d’une inépuisable pâte à modeler. Abolissant le statut hiérarchique de ses trouvailles, enregistrements et fabrications jaillissant des creux, terrains de jeux de construction perpétuelle, elle bâtit une oeuvre processuelle qui, selon une démonstration empirique jubilatoire,réaffirme tant la fondamentale inutilité de l’art que son absolue nécessité. (Anne-Lou Vicente)

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