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Rites de passage

06 Mar - 22 Mar 2015
Vernissage le 06 Mar 2015

La photographe Sandrine Elberg réunit dix artistes qui, dans leurs médiums et langages propres, offrent chacun une interprétation du rôle des rituels dans nos vies et processus créatifs. L’exposition présente des œuvres pour la plupart inédites. Une expérience visuelle autour du temps, de l’espace, et des gestes par lesquels nous les jalonnons.

Mylène Blanc, Corine Borgnet, Jean-Philippe Brunaud, Odonchimeg Davaadorj, Sandrine Elberg, Isabelle Ferreira, Régis Figarol, Bogdan Pavlovic, Lionel Sabatté, Régis Sénèque, Brankica Zilovic
Rites de passage

«Rites de passage» s’inspire directement de notre Histoire commune. Dans l’Antiquité, comme chez les peuples premiers, les étapes importantes de la vie — naissance, adolescence, mariage, décès — sont marquées par des cérémonies et des rituels à caractère magique. Les rites funéraires étaient complexes, accompagnant l’envoi des morts vers le monde des esprits. Sous des formes variées, ces processus de ritualisation du temps se retrouvent également dans la manière dont les artistes développent leurs œuvres dans la durée. Rites ancestraux ou cérémonials élaborés, ils convoquent les gestes de la naissance, de la croissance et de la mort.

Dans ses photographies, Mylène Blanc met ainsi en scène sa tribu familiale et ses proches, ornés d’accessoires naturalisés savamment bricolés, transmués en objets mystiques. Ses personnages, qui oscillent entre la vie et la mort, sont empruntés à la mythologie et au chamanisme.

Peintre, Bogdan Pavlovic flirte aussi avec la photographie. Sur un grand tissu, l’artiste peint une action arrêtée, au préalable fixée par l’obturateur: une image mentale de l’adolescence, d’un jeu d’affrontement de deux jumelles sublimé en geste pictural.

Chez Régis Figarol, le temps redevient flux: un même cadrage et un même temps d’exposition sont utilisés pour montrer le passage des ans et la succession de dizaines de visages, de l’enfance à l’âge adulte. Un geste répétitif qui hante également l’œuvre d’Isabelle Ferreira. C’est avec délicatesse que celle-ci accumule une multitude de strates de papiers colorés sur une poutre qui prend ainsi un statut d’édifice mémoriel.

La minutie et la répétition dans le travail d’un artiste forment en eux-mêmes rituels. Il en est ainsi de la peau d’âne de Brankica Zilovic, réalisée à l’aide de fils, de broderies et de peaux de bêtes, en référence aux mythes de la genèse et de l’homme sauvage.

Une figure ancestrale que l’on retrouve chez Jean-Philippe Brunaud qui, avec poésie et dextérité, utilise la technique du fusain sur toile. Sa pièce Tired Ghosts se fait métaphore des fantômes du passé auxquels l’artiste cherche à échapper.

L’exorcisme est aussi pratiqué par la plus jeune artiste de l’exposition, Odonchimeg Davaadorj. Elle s’inspire des souvenirs de son enfance en Mongolie pour créer des dessins imaginaires évoquant contes et superstitions. Tracées au crayon de couleurs, ces scènes cruelles puisent leurs racines dans les rituels chamaniques, la sorcellerie voire le cannibalisme.

Autre rite de passage chez Corine Borgnet: offrir une seconde vie — une résurrection — à une œuvre qui, endommagée lors d’un transport, du être détruite sur injonction de l’assureur. Une mise à mort dont l’artiste avait fait une performance filmée. Cette vidéo est aujourd’hui partie prenante d’une sculpture, cénotaphe de l’œuvre défunte.

Cet adieu aux œuvres guide également l’installation de Sandrine Elberg. D’apparence vernaculaire, son travail photographique est présenté sous la forme d’une collection d’épreuves, portraits accumulés dont les tirages sont issus de la chambre noire de l’artiste. Un mur funéraire qui fait preuve par l’image de la disparition progressive de l’argentique au profit du numérique. L’acte photographique se fait ici monument aux morts.

C’est au sol, lieu des enterrements, que le plasticien Régis Sénèque présente sa sculpture. Amoncellement de pierres qui n’en sont pas, cette œuvre teintée de poésie et de deuil, nous plonge dans les souvenirs de l’artiste. Il s’y réapproprie en effet le corps de l’être cher, disparu.

Il y a aussi de la vanité dans les sculptures et les peintures de Lionel Sabatté, où le règne animal est omniprésent. Un monde originel, univers des profondeurs peuplé de fossiles et de créatures organiques en mutation. Qu’il manie le pinceau ou sculpte la poussière, l’artiste y développe une réflexion sur l’essence même de l’œuvre et sa matérialité.

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