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Région Ile-de-France : sur la voie d’un dialogue normal ?

PAndré Rouillé

L’éditorial de la semaine dernière avait trait à l’impossibilité pour parisART de nouer le moindre contact, sinon un dialogue, avec M. Francis Parny, vice président de la Région Ile-de-France, chargé de «la Culture et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication».
Il s’agissait, à quelques mois des élections présidentielles, d’illustrer de façon concrète le grand écart qui sépare les beaux principes et les mauvaises pratiques, et qui nourrit la défiance croissante des citoyens vis-à-vis des élus. Phénomène qui n’épargne malheureusement aucun bord politique, et surtout pas M. Francis Parny, membre du Parti communiste et grand ordonnateur des fameuses «Assises régionales pour la Démocratie culturelle».
Mais surprise : après tant de mois de silence obstiné conférant au mépris, nous avons reçu (par mail) une réponse de M. Parny. Geste que nous apprécions à sa juste valeur, et qui est tout à son honneur.
Il réagit avec vigueur à nos propos et nous invite à publier son texte «en même place» que l’éditorial. Ce que nous faisons tout naturellement, non par simple «respect du droit de réponse», mais par attachement au dialogue et à la démocratie

.
Attachement qui nous conduira à apporter quelques précisions à ses propos.

RÉPONSE DE M. FRANCIS PARNY
à l’éditorial «Démocratie culturelle bananière en Région Ile-de-France»
(clichez pour lire)

A Monsieur André Rouillé
Je ne sais dans quel liquide vous avez mouillé votre plume pour le pamphlet de plus de dix mille signes que vous me consacrez.
Sachez que je trouve cela disproportionné.
Je serai donc plus bref pour vous indiquer qu’aucun dispositif régional ne permettait jusqu’à présent d’aider des revues «en ligne» sur internet. C’est d’ailleurs ce que vous a répondu un de mes deux collaborateurs à l’occasion des nombreux contacts que vous avez eu avec eux.

Je n’ai aucune raison de mettre en doute l’excellence de votre site dont vous semblez en tout cas convaincu, mais cela ne peut conduire à une automaticité de subventionnement ou de partenariat. Permettez-moi d’ajouter que le harcèlement des services de la région n’est pas non plus une pratique débouchant sur un résultat certain.

Quant à la démocratie culturelle, laissez donc les professions artistiques et culturelles juger de ce que recouvre cette notion et de la façon dont la Région s’efforce d’y contribuer. J’ai noté d’ailleurs que votre propre jugement est sans doute plus nuancé qu’il n’y paraît puisque concernant votre demande de partenariat, vous me reprochez de n’avoir pas su avoir «la capacité (de) reconnaître ceux qui vont dans (mon) sens».

Enfin soyez sûr que le parti communiste a ses moyens en propre de lancer les campagnes, les initiatives de rencontres et de dialogues qu’il estime nécessaire d’initier; l’ensemble des destinataires de ces initiatives en jugent régulièrement.

Je vous souhaite donc de reprendre votre calme et la voie d’un dialogue normal. Sans doute vos séances de jogging aux buttes Chaumont doivent pouvoir y contribuer ; soyez cependant assez aimable si nous devons à nouveau nous y croiser de ne pas commencer par me demander où en est votre subvention avant même de m’avoir dit bonjour.
Salutations distinguées.
Francis Parny

(Bien sûr le respect du droit de réponse devrait vous conduire à publier sur votre site en même place que votre pamphlet ce petit mot, je vous en laisse juge).

PRECISIONS DE parisART

1. Sur les subventions
Les contacts de parisART avec vos services ne se sont pas limités à des demandes de subventions. Nous avons une idée plus élevée du rôle d’un service de la Culture dirigé par un élu qui veut (légitimement) incarner une politique culturelle alternative.
Quant aux réponses de vos collaborateurs, elles ont été orales et obstinément négatives. Il me semble que votre rôle, et celui de vos services, n’est pas de dire mécaniquement «Non!», mais «Comment peut-on faire ?». La différence n’est pas mince. Les bâtisseurs d’avenir ont pour rôle d’inventer du possible dans l’impossible.

Surtout : vous éludez la question principale qui n’a pas trait à l’absence ou non de moyens de subventionner, mais à la façon pour le moins obscure et guère démocratique dont les subventions sont attribuées.
Si vous voulez nous éclairer sur ce point, le site paris-art.com vous est totalement ouvert…

2. Sur l’automaticité de subventionnement ou de partenariat
Nous sommes résolument opposés à «l’automaticité de subventionnement ou de partenariat», trop courante dans les administrations françaises (et pas seulement la vôtre). Automaticité qui consiste à figer la situation existante en reconduisant les subventions aux organismes déjà subventionnés, sans véritable examen de la réalité du travail accompli, ni des nouvelles candidatures.

Nous sommes en revanche partisans d’une obligation de réponse, d’examen, de dialogue, de justification des choix, dès lors que les propositions qui vous sont soumises sont dans votre domaine de compétence — et c’est la cas du site paris-art.com qui se situe à l’exacte intersection de la culture et nouvelles technologies.

3. Sur le harcèlement
Notre «harcèlement» est à la hauteur de votre mépris et de votre déni de démocratie.
Quand vous répondrez aux courriers et dossiers que l’on vous adresse, et quand vous respecterez les procédures démocratiques les plus élémentaires dans la gestion de votre service, il n’y aura plus lieu de vous harceler.
Doit-on vous rappeler que vous êtes un élu, et qu’en tant que tel vous avez des obligations vis-à-vis des citoyens-électeurs.

Une entreprise privée est libre de répondre ou non à des propositions et des courriers qui lui sont adressés, de justifier ou non ses choix : aucun compte ne peut lui être demandé. Parce qu’une entreprise n’est pas une instance démocratique !

En revanche, une instance démocratique comme le Conseil régional a le devoir de répondre et de justifier ses décisions, avec d’autant plus de courtoisie, de régularité, de précision et d’ouverture qu’elle est dirigée par un élu qui veut (légitimement) incarner une alternative politique et culturelle…

4. Sur le Parti communiste
Il n’est nullement question de dénier au Pari communiste (que nous respectons) le droit d’engager les actions et les initiatives qu’il juge nécessaires, ni de mettre en doute ses capacités à les mener à bien.

Notre question était ailleurs : elle concernait l’usage abusif que vous avez fait des ressources de la Région dans le cadre des actions de votre Parti.

5. La démocratie, affaire de professionnels ?
Rassurez-nous, votre clavier d’ordinateur a des ratés… Ou alors, envoyez-nous vite une explication de texte :
Quant à la démocratie culturelle, laissez donc les professions artistiques et culturelles juger de ce que recouvre cette notion et de la façon dont la Région s’efforce d’y contribuer.

Doit-on comprendre:
— que la démocratie culturelle est du domaine exclusif des «professions artistiques et culturelles», et non des citoyens-électeurs que nous sommes ?
— que vous trouvez illégitime que les citoyens-électeurs s’interrogent sur la façon d’agir de la Région
— que, selon vous, l’équipe de paris-art.com ne fait pas partie des «professions artistiques et culturelles» !?

Voulez-vous, Cher Monsieur, que je vous adresse les CV des 40 collaborateurs de paris-art.com ? Vous découvririez des gens bourrés de diplômes, de compétences, d’expérience et de talent qui rendraient jaloux beaucoup de vos interlocuteurs «professionnels»
Le fait que les collaborateurs de paris-art.com sont bénévoles ne signifie pas que ce sont des sous-professionnels, bien au contraire. A leurs compétences «professionnelles» s’ajoutent deux qualités inestimables : la passion et le désintéressement.
J’ajoute qu’ils ne sont pas bénévoles par vocation. Nos appels à la Région visent aussi à sortir de l’impasse du bénévolat (ce que, en tant que communiste, vous devriez bien comprendre et soutenir).

Voyez-vous, cette phrase révèle (bien malgré vous !) combien vous avez une conception anti-démocratique de la «Démocratie culturelle» dont vous faites l’apanage exclusif des «professionnels» et de la Région. Elle fait apparaître combien vous excluez les citoyens dans votre façon de penser et d’agir…

6. La voie d’un dialogue normal
Quant à mon calme, ce n’est pas lui que j’ai perdu, mais plutôt l’espoir que j’avais que votre arrivée à direction de la Culture du Conseil régional s’accompagnerait de pratiques et de postures nouvelles. L’espoir qu’un élu situé à gauche de la gauche inscrirait le dialogue, l’ouverture et l’innovation dans le quotidien de son action. L’espoir que le porteur d’un discours d’alternance politique mettrait ses actes à l’unisson de ses mots…
Ce n’est donc pas un «pamphlet» que j’ai rédigé contre vous (encore moins contre votre personne). Mais une critique concrète à partir d’une expérience concrète — la nôtre à parisART — de vos méthodes d’action qui vont à l’encontre des idéaux que vous défendez.

A la veille d’échéances politiques majeures, c’est l’exposé dépité de cette triste expérience que les représentants politiques les plus concernés par la culture (vous, les communistes), sont, DANS LES FAITS, très en retrait de la situation du milieu de l’art, très éloignés des enjeux culturels des «nouvelles technologies de l’information et de la communication», et totalement incapables de mettre en œuvre des manières d’agir et de faire de la politique autrement.

Dans votre réponse, vous évoquez la rencontre impromptue que nous avons eue un midi au parc des Buttes Chaumont (pas plus de dix secondes puisque j’étais en plein jogging). Si je ne vous ai pas dit «Bonjour», ce qui n’est pas dans mes habitudes, vous avez raison d’avoir été froissé.
Vous devez alors bien imaginer ce que nous pouvons éprouver lorsque, en tentant de mettre en œuvre dans les pires difficultés matérielles les principes de la «Démocratie culturelle», on ne parvient pas à obtenir de vous pendant plusieurs années la moindre réponse à nos courriers. Pas le moindre signe de reconnaissance.

Enfin, on se rejoint quand vous parlez de «la voie d’un dialogue normal». Pour être normal, il ne lui manquait que vous. Si vous le voulez, nous y sommes prêts. Pour agir de façon résolue dans ce domaine aux immenses enjeux qui est le nôtre, à vous et à nous : celui de la «Culture et des nouvelles technologies de l’information et de la communication».
Il ne tient qu’à vous que les mots se transforment (enfin) en actes.

André Rouillé.

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Olav Westphalen, UN Vehicle Black, 2006. Acrylique sur papier. 173,5 x 217 cm. Courtesy galerie G.-Ph.&N. Vallois, Paris.

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