ART | EXPO

Reconstruction

07 Sep - 02 Nov 2013
Vernissage le 07 Sep 2013

Rosson Crow dépeint l'histoire complexe du Sud des Etats-Unis. A travers ses traditions protestantes évangéliques, son passif colonial, l'ancienne institution de l'esclavage, et son séparatisme pendant la guerre de Sécession, l'American South possède une identité collective bien identifiable que l’artiste assimile dans son travail pictural.

Rosson Crow
Reconstruction

Avec Reconstruction, Rosson Crow s’attèle à dépeindre l’histoire complexe du sud des États-Unis, dont elle est originaire. À travers ses traditions protestantes évangéliques, son passif colonial, l’ancienne institution de l’esclavage, et son séparatisme pendant la guerre de Sécession, l’American South possède une identité collective bien identifiable que Rosson Crow assimile dans son travail pictural, et qui témoigne de la réponse par la violence au «Rêve Américain».

Les représentations des somptueuses maisons de maître de plantations, de scènes funéraires — To Lay a Ghost, 1963, 2013, A Spectral Jest, 2013, ou encore 16th Street Baptist Church, Birmignham Alabama, 2013 (église baptiste afro-américaine où eu lieu l’attentat à la dynamite qui tua quatre fillettes en 1963, fomenté par le Klux Klux Klan, et qui visait à ré-affirmer leur funeste positionnement quant à la ségrégation raciale, alors contestée), s’attachent à remettre sous les feux des projecteurs, les épisodes violents qui ont jalonné le sud américain, dont la culture et l’héritage se distingue des autres états.

L’artiste américaine pousse à un degré supérieur la technique de peinture à l’huile par masquage de bandes adhésives, qu’elle avait déjà utilisé dans ses précédents travaux en créant des zones de vides dynamiques et de pleins structurants. La fragmentation de ces représentations par l’utilisation de cette technique qui perturbe la construction de l’image, correspond idéalement aux histoires fractionnées auxquelles Rosson Crow fait allusion, dans son évocation des états du Sud.

Dans une toute autre mesure qu’elle porte ici à son paroxysme, Rosson Crow propose des lieux désertés dont la spatialité tend vers une abstraction psychédélique et hallucinatoire: avec la maîtrise d’un nuancier corrosif et l’adresse de ses cadrages (frontal, panoramique, abyssal) qui témoignent de son savoir-faire
formel, elle se joue du point de tension où l’abstraction devient figuration et la figuration abstraite.

En portant sa réflexion sur la dimension psychologiques de ces espaces — et sur la manière dont le spectateur expérimente ces lieux, l’artiste s’attache à retranscrire l’atmosphère «d’une version américaine de Versailles, à travers son luxe fabriqué» dans ces lieux hantés par l’histoire, vestiges (ou stigmates) d’une certaine histoire du sud des États-Unis.

L’attention que Rosson Crow porte à l’ornementation, à l’agencement de ces décorums factices et anachroniques, à ces intérieurs à l’architecture superficielle, contribue à étoffer la réflexion de l’artiste sur la construction des faits de l’Histoire, à travers sa dimension spatiale. Dans des pièces déshumanisées, l’arrangement néo-classique des rideaux mis en plis des pièces d’apparat, les croisées d’ogives de l’église baptiste, la majestuosité baroque des salons de la Maison Beehive, se posent comme des motifs architecturaux de décadence et de décomposition de l’American Dream.

Avec une maîtrise singulière de l’histoire de l’art américain et européen — notamment de la peinture allemande contemporain et française du XVII et XVIIIe siècle, Rosson Crow déjoue les effets du réel à la manière d’un Richter sans jamais se départir de la liberté du geste de Kippenberger, ni éluder l’admirable travail de coloriste de Neo Rauch conjugué à la dimension pop des subtiles dégradés de Tauba Auerbach.

Avec Reconstruction, elle propose au spectateur le résultat de ses recherches de fond et de forme les plus abouties: la construction de l’image trouve son accomplissement dans la contemporanéité formelle qu’elle insuffle aux images d’Épinal d’une certaine Amérique, et, en s’attachant à montrer la sémiotique visuelle statutaire qui composent ces angoissantes scénographies théâtralisées du pouvoir, elle encourage le spectateur à ne pas se satisfaire de ce qui nous est donné à voir, à travers les prismes artificiels de l’Histoire.

AUTRES EVENEMENTS ART