PHOTO | CRITIQUE

Playas

PSarah Ihler-Meyer
@14 Juil 2009

Avec Playas Martin Parr recense, non sans ironie, les pratiques des aficionados de la plage. Séances de bronzage, pieds en éventail, corps gras et brillants, sans oublier mamies, pépés et autres bimbos, sont au rendez-vous pour une série de photos hors catégories.

Membre de l’agence Magnum, Martin Parr pourrait être considéré comme un simple documentariste. Le photographe anglo-saxon serait du côté de la photographie-document et non de la photographie-expression.

Cette opposition entre photographie expressive (art contemporain) et photographie documentaire en recouvre une autre, plus générale, entre représentation et expression.

D’un côté la photographie documentaire se contente de dénoter, de renvoyer à telle ou telle partie du réel: elle se résume à un « dire », à un « discours », car toute chose a un nom. De l’autre, par un travail sur les formes, la photographie expressive ne renvoie pas à quelque chose d’extérieur à elle-même, mais contient un sens cette fois-ci « sensible », non subsumable sous un concept.

Playas, des ventres bedonnants, des touristes à la peau cramoisie, aux corps flasques, équipés de lunettes, de chaises en plastiques et de parasols. L’impact de ces photographies semble en effet tenir à ce qui est représenté.

Mais, la force de ces clichés se joue peut-être ailleurs. Toute photographie, même documentaire, intègre une dimension expressive dès lors qu’elle possède une dimension plastique: dans les mains d’un professionnel, une photographie est à la confluence de multiples choix parmi différents cadrages, découpages et lumières possibles. Ce qui est prélevé dans le réel se conjugue à une forme. Ainsi, la lecture de ce qui est représenté est influencée par ce qui est exprimé et, réciproquement, ce qui est exprimé, c’est-à-dire senti, est guidé par ce qui est représenté.

Les plagistes ne seraient pas si drôles, si écœurants, sans tels gros plans, sans tels agencements, sans telles lumières. La saturation des couleurs, l’accumulation des corps, l’aspect luisant des peaux donnent à sentir une banalité crasse, grotesque. En d’autres termes, la valeur plastique de ces clichés infléchit la manière dont nous percevons ce qui est photographié, les aficionados de la plage.

De fait, Martin Parr ne croit pas que «quelque chose comme la vérité et la réalité peuvent s’atteindre par contact, se dévoiler directement, par simple enregistrement» (André Rouillé). Bien au contraire, ses clichés témoignent en faveur d’une photographie qui élabore, construit son propos.

Alors, si des catégories telles que la «photographie-document» et la «photographie expressive» renvoient à de réelles pratiques, elles ne recouvrent pas une opposition franche entre représentation et expression, mais différents alliages entre ces deux pôles.

Quand la photographie expressive tend tous ses efforts vers l’expression —un sens produit sensuellement—, tout dans la photographie-document, y compris le sensible, converge vers la représentation —un sens linguistique.

Sans doute, Martin Parr se situe davantage dans la seconde de ces catégories, moins séparées que l’on pourrait le croire.

Martin Parr
— Brazil. Salvador. Barra Beach. Série « Playas », 2008. Photographie couleur.
— Brazil. Rio de Janeiro. Copacabana Beach. Série « Playas », 2007. Photographie couleur.
— Chile. Valparaiso. Série « Playas », 2007. Photo couleur.
— Argentina. Cosquin. Série « Playas », 2006. Photo couleur.
— Uruguay. Punta del Este. Série « Playas », 2006. Photo couleur.
— Uruguay. Punta del Este. Série « Playas », 2006. Photo couleur.

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