ART | CRITIQUE

Philippe Ramette

PMarie-Jeanne Caprasse
@28 Fév 2012

Depuis une quinzaine d’années, Philippe Ramette construit un monde où les lois de la nature n’auraient plus de prise. Jouant avec le langage et les règles de la physique, il introduit l’incertitude et l’interrogation sur ce que l’on voit. Corps, objets et espaces sont les trois composantes de ses continuelles expérimentations

Philippe Ramette opère le plus souvent par bouleversement des repères et même renversement. Avec un regard distancé sur la sculpture classique, il interroge ici le rapport de la sculpture à son socle, et vice-versa. Question de taille, question de piédestal déséquilibré, question de disparition du socle ou de migration de la sculpture au plafond. Il multiplie les formules à l’aide de son double scanné et reproduit en résine qui, à l’image de cet être aux formes vagues, joue le rôle d’une silhouette.

Car l’être chez Philippe Ramette se fait objet, corps désincarné, symbole. Il est lisse, n’a pas de sexe et fait figure de héros universel. Tant dans ses sculptures de silhouettes que dans ses dessins, il apparaît comme le principe humain que l’artiste manipule et place dans des situations qui le plus souvent se jouent des règles de la physique.

La question du rêve intervient à tout moment et est singulièrement tangible dans ses dessins. Ses petites mises en scènes croquées au trait fin en noir et blanc jouent avec les mots et les conflits de réalité. On est proches du registre de l’humour absurde où les luttes d’interprétation laissent le spectateur dans une sensation étrange de comprendre et de ne rien comprendre en même temps.
Comme dans Le Quiproquo, où l’ombre d’une chaise se transforme en ombre d’homme. L’image est simple et belle sans que l’on sache trop pourquoi. Car la beauté peut naître de ce que l’on ne peut comprendre, de ce que l’esprit ne peut faire rentrer dans ses règles, dans le cadre de sa grille de lecture quotidienne.

C’est sans doute cela qui crée de l’émerveillement face à l’art de Philippe Ramette, ce jeu continuel avec nos sens: la vue, le langage (car ses titres sont importants) et les lois de la physique. Il génère un trouble qui fait vibrer la corde sensible de l’imaginaire, de l’extraordinaire sis au sein de chacune de ses œuvres. C’est par la pensée que Philippe Ramette enchante le réel, comme dans la sculpture de son double qui se cache les yeux mais qu’il nomme L’Explorateur, le plus beau voyage se fait dans nos têtes.

Et à l’artiste de conclure l’exposition sur une note d’humour, ou plutôt une note tragi-comique. Avec son autoportrait en silicone et résine, il semble nous observer du coin de l’œil en souriant. Toutefois, en progressant face à lui, le spectateur découvre un être grimaçant, mi-sourire, mi-triste. Encore une fois, il fait coexister les contraires, il déstabilise. Ce portrait, c’est tout lui!

Å’uvres

Philippe Ramette
— Rupture de pesanteur, 2006. Bronze. 225 x 63 x 60 cm
— Portrait tragi-comique, 2011. Silicone, résine polyester, résine acrylique et cheveux. 50 x 50 x 30 cm.
— La découverte de la porte de sortie, 2012. Encre sur papier. 42cm x 29,7cm
— Le Socle abandonné, 2012. Encre sur papier 42cm x 29,7cm
— L’ombre qui voulait aussi voir le paysage, 2012. Encre sur papier 42cm x 29,7cm

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