ART | EXPO

Philippe Cognée

18 Mai - 12 Oct 2014
Vernissage le 17 Mai 2014

A Chambord, Philippe Cognée présente un ensemble d’œuvres (peintures, aquarelles et dessins) autour de la question du portrait en écho aux galeries de portraits qui ornaient les demeures royales. Loin de cette iconographie du pouvoir, ses portraits contemporains, entre figures évanescentes et vanités, affirment la fragilité de la vie humaine.

Philippe Cognée
Philippe Cognée

L’exposition de Philippe Cognée au Domaine national de Chambord rassemble une trentaine de toiles, mais aussi des dessins et des aquarelles, dont beaucoup d’Å“uvres nouvelles ou rarement montrées. Elle s’articule autour de la question du portrait (et non du genre: portrait), en écho aux galeries de portraits qui ornaient bien souvent les demeures royales. Là où ils manifestaient auparavant une véritable iconographie du pouvoir, les portraits contemporains de Philippe Cognée affirment en contrepied la fragilité de la vie humaine dans ces figures en lisière d’évanescence, minées par la disparition déjà en cours, travaillés par les crânes des vanités qui émaillent également l’exposition.

A partir de photographies (et plus tard de vidéos et d’images tirées de Google Earth) qui constituent au fil du temps une véritable banque de données iconographiques, Philippe Cognée projette la photo choisie sur la toile, en dessine à grands traits les contours puis utilise une peinture à l’encaustique (mélange de cire d’abeille et de pigments), pour placer ensuite un film transparent sur la surface peinte qu’il chauffe au fer à repasser. Cette opération liquéfie la cire, fait déborder les contours, délaye les couleurs et déforme le dessin initial. Enfin, l’artiste détache le film de la surface de la toile désormais transformée en un glacis qui n’est toutefois jamais uniforme, le retrait du film provoquant ça et là des crevasses, des fêlures ou des arrachements divers.

Cette technique singulière provoque un effet qui est propre à la peinture de Philippe Cognée: le rendu objectif de la photographie fait place à un effet de flouté, de liquéfaction, voire de disparition partielle du motif qui s’oppose au réalisme de la photographie, de sorte qu’une certaine abstraction travaille en profondeur la figure représentée. Ce brouillage des formes et cette fusion chromatique — véritable travail dans la matière — confèrent une sensualité ambiguë à ses Å“uvres.
Le peintre le concède aisément: «Enlever la netteté du sujet, c’est ouvrir le champ de l’imagination et de la mémoire». En mettant à distance la figure, il crée un espace que le spectateur peut investir selon sa sensibilité propre, il l’accueille dans l’image.

A la fois charnels et distanciés, les motifs de Philippe Cognée sont pourtant ceux du réel le plus banal, le plus quotidien, traversant tous les genres de la peinture classique: paysages urbains ou champêtres, portraits (amis et proches), copies de maîtres, supermarchés, détritus, hôtels, bibliothèques, foules, carcasses, fleurs, containers, vanités, etc.
Ils sont à la fois le plus proche (éléments du quotidien) et le plus étrange par le traitement que le peintre leur fait subir, flottant dans un espace d’indécision qui arrête le regard, le questionne par le déplacement opéré.
Volontairement banales elles aussi, éloignées de toute visée esthétique, les photographies prises par l’artiste nivellent les sujets afin que le véritable sujet, au bout du compte, ne soit plus que la peinture elle-même, qui manifeste sa puissance de présentation du réel.

En distordant les figures, Philippe Cognée, comme tout grand artiste figuratif, questionne la représentation, c’est-à-dire le rapport distendu du motif à sa figuration picturale. Reste que le spectateur saisit dans le tableau final comme le symptôme d’une perte: toujours quelque chose vacille, quelque chose est en train de fondre, de disparaître, que l’artiste saisit au moment de sa «tombée», dans le mouvement d’une défaite qu’il parvient à fixer in extremis.
Surface glacée mais pas uniforme, grattée et partiellement décomposée, la peau de la peinture signifie que rien n’est jamais figé, que tout est en cours, vers une transformation dont l’artiste, entre instabilité et immobilisation, saisit la fondamentale ambiguïté.

Vernissage
Samedi 17 mai 2014 à 18h30

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