ART | CRITIQUE

Pawel Althamer

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Pawel Althamer se méfie de l’exposition comme d’un exercice de style. Pour l’artiste polonais, la seule posture possible consiste donc à déjouer l’attente du public et des institutions.

Pawel Althamer n’en est pas à son coup d’essai. À New York, en 2003, il fait détruire, et reconstruire à l’identique, l’espace de la Wrong Gallery, par des immigrants polonais. Plus discrètement, à Maastricht, une salle de musée est transformée en salle d’attente. Ou encore, tout récemment à Varsovie, reprenant à son compte la pratique de l’invitation, l’artiste offre les cimaises de la Galerie nationale Zacheta, qui l’attendaient, à d’autres.

Au Centre Pompidou, Pawel Althamer pousse ce principe de l’effacement et de la substitution un peu plus loin. Invité à exposer à l’Espace 315, il projette sur le devant de la scène, au propre comme au figuré, onze jeunes artistes en herbe, onze inconnus, tout juste formés aux arcanes du monde de l’art. Tel un matériau vivant, et que cette fraîcheur rend d’autant mieux malléable, l’artiste isole le groupe en lisière de la forêt polonaise. De ce workshop, qu’il anime en proposant diverses expériences sensorielles et relationnelles, émerge une œuvre collective.

Au Centre Pompidou est un film, tourné sur le principe primitif du théâtre d’ombres. Des saynètes s’enchaînent, qui naviguent entre dessin animé, numéro de cirque, et film muet, entre burlesque et tragédie. Un chien mécanique tourne en rond au bout de sa laisse, jusqu’à la mort (des piles); une voleuse, trop avide, est étouffée sous le poids de ses larcins; une dompteuse, qui prétend soumettre un cheval sous la menace d’une arme à feu, finit par l’abattre. Mais tout est bien qui finit bien, musiciens et acrobates-équilibristes réveillent joyeusement la forêt, aux sons de l’oud et de l’accordéon.

Cela commençait sur un chantier, et s’achève par une photo de groupe, dont les personnages resteront sans visage. La figure de l’artiste, inspiré et solitaire, disparaît. Diluée dans le groupe, ou, pour Pawel Althamer, tapi dans l’ombre. Restent un conte joliment décousu, bien que tendu par le fil rouge de la transmission, du partage et de la rupture –soit un portrait en creux de l’artiste en maître-, douze noms flottants sur une affiche, et une œuvre légère au statut volontairement incertain.

English translation : Begüm Sekendiz Boré.

— Au Centre Pompidou, 2006. Film.

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