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Oswaldo Gonzalez

Raconteur d’histoire et metteur en scène de son quotidien, Oswaldo Gonzalez se confronte à l’autofiction. Son travail se grime d’humour et de dérision, ses propositions artistiques sont poétiques, mais toujours vouées à l’échec. Plus que de simples «sketchs», ces saynètes sont des autoportraits qui interrogent l’artiste sur sa condition et sa difficulté de créer.

Entretien réalisé par Pierre-Évariste Douaire en préambule de l’exposition Une vie moins ordinaire, qui se tiendra à l’espace Paul Ricard (15 mars-2 avril 2004).

Pierre-Évariste Douaire. Je trouve que ton travail se tourne maintenant vers l’autofiction. Avant tu parlais de toi, maintenant on te vois, est-ce un changement?
Oswaldo Gonzalez. Les travaux d’aujourd’hui sont la suite logique de mon travail précédent. Je me suis aperçu que j’étais l’auteur mais aussi l’acteur d’une histoire fictive et réelle. J’ai pris conscience de cela et j’ai décidé de changer de position et d’arrêter d’être hors-champ. Je me suis rendu compte que j’étais le personnage central de mes histoires, alors je me suis dis: «Sors de ton anonymat!»
Dans mes photos, je deviens un personnage qui peut se permettre de critiquer le monde de l’art contemporain. J’endosse les habits d’un acteur, et avec lui, je peux jouer sur tous les stéréotypes. Je vais au-delà de la réalité et de la fiction, ce qui m’intéresse c’est après, et comment les gens vont se retrouver dans mon travail, comment ils vont s’y refléter. Le personnage principal ce n’est pas moi, mais bien le spectateur.

Ton exposition au centre culturel des Lilas, cet hiver, s’intitulait Célébrités, tu racontais tes rencontres avec des vedettes. As-tu besoin dans ton travail de chroniquer sur tes contemporains et leur soif de célébrité?
Mon travail est en forme de miroir. Ce qui m’intéresse, c’est de montrer comment sont les gens. Ce qui m’intéresse dans le personnage que je joue, c’est qu’à partir d’une particularité je deviens une généralité. Qui n’a pas rêvé, gamin, de devenir Zidane? Je renvoie au public son image, ses désirs. On a toujours besoin de remplir sa vie par l’autre, par des altérités.

Depuis toujours tu fais intervenir images et textes. Depuis longtemps tu mélanges fiction et réalité. Tu mets en scène ton quotidien domestique, professionnel, artistique, familial, conjugal. Je pense à ta série Roman photo. Quel besoin as-tu de parler de ça ?
Je joue à l’acteur à chaque fois. Je me mets toujours dans la peau de quelqu’un d’autre. J’essaie d’être un être générique, un modèle du genre. Je montre un quotidien dans lequel je m’inscris, histoire de démystifier l’art contemporain. La vie d’artiste c’est la vie normale.

Au regard des œuvres que tu vas accrocher à l’espace Paul Ricard, j’ai tendance à reconsidérer ton travail autour de la question de l’autoportrait, est-ce que je me trompe ? A travers eux, tu parles de toi, et au-delà de l’humour, tu recenses toutes les difficultés qu’il y à d’être artiste.
Ce que tu dis est très vrai. Toutes mes photos sont des autoportraits. C’est vrai que ce sont des autoportraits car, en tant qu’artiste, tu as envie de laisser une trace, même modestement, pas pour la postérité, mais plutôt pour dire qui tu es, ce que tu représentes. Mon histoire n’est pas unique, mais je m’aperçois qu’à partir de ma vie je peux devenir autre. C’est une façon de se trouver et d’aller au-delà des normes imposées par la société. En ce sens, ce sont des autoportraits de mes acquis culturels et existentiels.

Tes dernières vidéos, Rasage et Salle de bain, ne jouent pas sur le même registre que F1, dans lequel tu jouais à être Schumarer, gagnant son cinquième titre de champion du monde de pilote. Tu étais un autre, une célébrité, maintenant tu es seulement toi-même, quittes tu la fiction pour la réalité ?
C’est probable. Moi, je suis toujours intéressé, toujours curieux. J’ai l’envie d’expérimenter, je ne veux pas m’enfermer dans un style ou un registre donnés. Si tu veux, ces deux vidéos sont une porte ouverte. Dans l’avenir je ne sais pas si je continuerai dans cette direction.

Ce qui caractérise ton travail c’est cet Échiquier que tu construis. Toutes les pièces sont à ton effigie. Tu travailles toujours à partir de propositions. Dans la partie qui commence, tu es à la fois l’arbitre et les deux équipes.
C’est tout à fait ça. Mais n’oublie pas le hasard. Le jeu d’échec recèle une part de hasard, personne ne peut savoir comment va finir la partie. Ma vie est comme un jeu : je viens du Venezuela, j’ai étudié la philo à Aix-en-Provence, puis les arts plastiques à Paris, maintenant le prix Paul Ricard. C’est vrai que je suis toutes les pièces du jeu, je suis mille personnages, je peux établir les règles du jeu, être le damier, mais au bout du compte tu ne peux pas connaître le résultat final de la partie.

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