ART | CRITIQUE

Oblique Gravity

PFrançois Salmeron
@21 Juin 2013

Diogo Pimentao poursuit ses expérimentations artistiques à partir de matériaux simples: le papier et la poussière de graphite. Il présente ainsi des œuvres revêtant l’aspect de monochromes, dans des tonalités métalliques, dont l’originalité consiste alors à se transformer en divers volumes que l’artiste portugais façonne de sa propre main.

«Oblique Gravity» obéit à un principe monochrome, où les quatre œuvres présentées revêtent chacune la même tonalité: un gris métallisé provenant de la poudre de graphite que Diogo Pimentao applique sur des feuilles de papier. L’œuvre de Diogo Pimentao s’ancre ainsi dans les matériaux propres au dessin, mais son projet va bien au-delà de cette pratique, puisqu’il fait notamment appel à des performances ou à une approche sculpturale de l’art.

En effet, une sculpture elliptique nous accueille ici, dessinant un élégant arc de cercle dans lequel notre corps serait bien tenté de se lover voluptueusement. Ce demi-cercle comporte quatre plis sur le côté gauche, mais simplement deux du côté droit. De face, la sculpture ne présente qu’un seul mouvement arrondi, alors que de dos, elle comporte une double ondulation. A l’arrivée, la sculpture nous apparaît comme une simple ou une double page pliée, écornée, courbée. En son intérieur, sa surface est assez dense, tandis que sa face externe est plus brillante, polie par la main de l’artiste.

Nous découvrons ensuite un pan entier de mur où se trouvent accrochés des modules gris de même taille, réunis en différents ensembles. Ces monochromes sont montés sur des châssis, certains sont disposés bien à plat contre le mur, d’autres baillent un peu, se décollent, débordent, ou se trouvent posés de biais sur le sol et se reposent alors contre le mur de la galerie, présentant ainsi des surfaces obliques sur lesquelles se réfléchit la lumière.

Nous remarquons par là que cette série obéit à un principe proche du minimalisme, avec ces monochromes, sortes de surfaces homogènes travaillées par un geste simple et répétitif, s’attelant à étaler de la poudre de graphite. Pourtant une autre spécificité surgit des modules. En effet, chacun a ensuite été strié, griffé ou gratté avec divers outils, révélant alors des gestes amples, rapides, qui ne ménagent guère le support papier.

Les surfaces sont ainsi recouvertes de stries plus ou moins nombreuses, plus ou moins profondes, qui s’enchevêtrent parfois, ou qui arrachent carrément des bouts de papier. Elles révèlent alors la marque du corps de l’artiste, sa vivacité, sa célérité et le poids de ses «attaques» sur la surface.

Ici, le dessin n’obéit plus à ses problématiques habituelles. Il n’est plus question de représentation de la nature ou de la reproduction d’un référent. Le dessin rend compte d’une performance, d’une mise en mouvement du corps de l’artiste et de ses outils. Le dessin se change en un plan sur lequel le corps vient poser son empreinte, et témoigner d’un processus de création d’abord répétitif et mécanique — avec les aplats de gris —, puis plus libre et imprévisible avec les griffures.
Si les deux premières œuvres rendent compte d’une véritable «physicalité», soit en présentant une sculpture à échelle humaine dont le volume imposant et courbé engage notre corps, soit en exposant des monochromes griffés par des outils et des gestes amples, Diogo Pimentao travaille également sur le vide.

Il exécute notamment des pliages qu’il empile les uns sur les autres. Chaque volume abrite donc un creux en lui, et se présente comme une fine plaque de zinc cabossée. Les pliages gondolent en effet, nous faisant littéralement penser à de la tôle froissée. Le papier couvert de graphite semble alors s’être transformé en une texture métallique.

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