PHOTO

New Sculptures and Drawings

Tony Cragg crée des formes organiques dont semblent s’échapper des profils humains. Ces figures libérées de toute forme définie épousent leur environnement verticalement. D’une légèreté incroyable, leur aspect est d’apparence presque liquide. En bronze, marbre, acier poli, ou bois, elles sont dotées de noms évocateurs: Ouspan (hors du temps, de la durée), ou Lost in Though (perdu dans des pensées).

Hautes de plusieurs mètres et relativement étroites, les sculptures évoquent des totems sacrés aux courbes ciselées, polymorphes et harmonieuses, de dimensions généreuses.

Les profils qui semblent s’en détacher sont-ils le fruit du hasard, ou d’une volonté de l’artiste? Le charme de l’œuvre réside précisément dans cette ambiguïté. C’est en cela que Tony Cragg questionne notre rapport à la forme, à l’objet, au corps. Libéré de toute fonctionnalité, la sculpture remet en question notre vision du réel, du vrai, du voulu.

«Il existe cette idée selon laquelle la sculpture est statique ou peut-être même morte, mais je ressens exactement le contraire. Je ne suis pas quelqu’un de religieux, je suis totalement matérialiste […]. Je recherche un système de croyance ou d’éthique dans la matière. Je veux que le matériau soit dynamique, qu’il pousse, qu’il bouge, qu’il grandisse», c’est ainsi que Tony Cragg définit son travail et sa relation à la sculpture.

Les aquarelles complètent ce regard et le rendent encore plus explicite. Les séries Seascape (Paysages de mer) et Woodscape (Paysage de bois) font échos aux sculptures en leur conférant un éclairage supplémentaire.

Les paysages sont composés par des centaines de carrés ou d’ovales de même teinte. Courbes et transparences créent le mouvement. L’œil semble reconnaître une forme mais s’y méprend.

Les surfaces lisses des sculptures évoquent encore la peau. Tony Cragg voue une admiration pour le travail de Medardo Rosso, en particulier pour son traitement de la peau envisagée comme une membrane située à l’interface de l’extérieur et de l’intérieur du corps.

Si les silhouettes d’Henri Moore s’inspiraient du dieu maya Chac Mool, Tony Cragg parvient à susciter le sacré et l’introspection par la matière. Délaissant les déchets de ses débuts pour des matériaux plus nobles (bois, bronze, marbre, acier poli), il parvient à illustrer une relation quasi naturaliste.

Dans l’exposition de la galerie Thaddeus Ropac où les dessins et les sculptures sont séparés dans deux salles distinctes, la lien qui unit l’artiste au matériau n’en est que plus visible.

Peau, visages, courbes ménagent une rencontre sensuelle et désorientent le regard qui hésite entre envisager la forme de bas en haut, ou comme une forme qui coule, dégouline. En dotant le bronze, le bois et l’acier poli d’un semblable d’un aspect liquide, Tony Cragg témoigne de sa capacité à passer d’un matériau à un autre, et illustre la force de sa recherche autour d’une appréhension abstraite du corps.

Tony Cragg
— WT, 2008. Wood, 195 x 115 x 395 cm (77 x 45 x 156 in).
— Red Figure (Brown Batina), 2008. Bronze. 208 x 210 x 42 cm.
— Outspan, 2008. Bronze. 190 x 200 x 124 cm.
— WT (Yellow Stone), 2009. Stone.
— Lost in Thought, 2009. Bois. 250 x 220 x 200 cm.
— WT (Double Zigzag), 2009. Bois 140 x 130 x 72 cm.