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My Secret Life of Crime

13 Avr - 18 Mai 2013
Vernissage le 13 Avr 2013

Martine Aballéa présente deux nouvelles séries de photographies mêlant paysages, textes, nature et mondes fantomatiques. Elles racontent des histoires d’amour, des histoires de crimes qui se détachent sur fond de nature luxuriante ou d’images en négatif. Au départ, les situations sont presque banales, mais très vite, tout s’enchaîne.

Martine Aballéa
My Secret Life of Crime

«Mes résolutions pour la nouvelle année: À tous les démons, désirs, passions, cupidités, envies, amours, haines, désirs étranges, ennemis fantômatiques ou réels, armées de souvenirs, contre lesquels je lutte — faîtes en sorte de ne jamais me laisser en paix.» Patricia Highsmith, Nouvel An, 1947.

Au départ, rien d’exceptionnel ni d’irrationnel, les situations sont presque banales, des clairières, des sous-bois, la façade d’une maison puis une phrase, simple, unique qui identifie et stigmatise ce lieu, le faisant devenir lieu de transgression ou de protection. Très vite tout s’enchaîne, il suffit d’une phrase pour que l’on se laisse entraîner dans un récit qui nous incite à passer de l’autre côté du miroir, se retrouver là où la vie réelle ne le permet pas, être quelqu’un d’autre en sorte.

Etre une autre, Martine Aballéa en tire une jouissance secrète, trompant tour à tour sa joie, sa solitude ou sa tristesse. Car il s’agit bien de tromper le désamour, la dépression, tromper ou être trahie, vaincre ou être anéantie. Cette idée d’être quelqu’un d’autre, de pouvoir transgresser les règles sans en subir les conséquences, se retrouve souvent au cœur des œuvres de Martine Aballéa.

Dans les années 1980, elle commence ses récits fictionnels avec notamment la série des Romans Partiels en 1982, puis en 1995 avec ses Epaves du désir, et en 1997 la série, Nouveaux Amours / Nouveaux Crimes. Elle y développe ce lien narratif et nous raconte ses histoires très mystérieuses. Ici c’est celle d’une femme, une femme pour toutes les autres. Aballéa cache dans ses œuvres des personnages qui veulent se libérer affectivement ou socialement de quelque chose ou de quelqu’un.

Dans ces nouvelles séries de photos, elle représente ces femmes qui pour des motifs divers sont allées jusqu’au bout. La solution pour éviter de devenir réellement une psychopathe revient finalement à s’inventer un double malveillant incarné par cette meurtrière qui représente l’universalité de la rupture et de ce qu’elle peut entraîner. Les causes sont multiples, Martine Aballéa en dresse la liste, une liste non exhaustive, à chacune de rajouter la sienne. L’exposition devient en quelque sorte un dictionnaire illustré du sentiment amoureux avec ce qu’il peut contenir de réconfortant ou de dangereux.

Ces images rappellent les intrigues des polars comme ceux de Raymond Chandler ou de Patricia Highsmith, elles sont à la fois le miroir d’univers bucoliques saturés par la nature auxquels répondent des lieux baignés d’une lumière froide comme dans la série des amants fantômes. Toutes sont le théâtre d’épisodes douloureux. Martine Aballéa est double, comme ces séries de photographies, à la fois lumineuse et sombre. Secrète, fragile, méfiante, inquiète, quand on lui pose une question trop intime, elle se referme et se retire ailleurs loin de la conversation. Mais quand elle parle de littérature, d’amour, de son travail, elle se redresse, les yeux s’allument et le sourire revient. Elle transforme le Musée National d’Art Moderne en Hôtel Passager; elle invente sa Maison sans Fin en hommage à Sarah Winchester, y incluant ses propres fantômes. Dans ses photographies, elle met en scène l’ambivalence, le doute, la violence ou la protection en jouant subtilement avec l’ombre et la lumière.

Martine Aballéa est une forêt vierge en passe d’être entièrement noyée par la végétation. Elle est le blanc des négatifs et la couleur envahissante; un mélange de chats, d’hommes, de livres, de phrases, quelque chose de romantique et de mystique à la fois. Le sujet est tragique mais le traitement, lui reste poétique, il offre des sensations aiguës, une hypersensibilité émotionnelle mais aussi une ironie impitoyable et un cynisme contrôlé par le biais de la fiction. Dans les images présentées à la galerie, le meurtre a déjà eu lieu, il est un signe plutôt qu’un événement qui se déroule sous nos yeux, un homme et une femme se partagent les rôles principaux, l’homme n’est plus là, la végétation a déjà repris ses droits, elle a effacé les traces d’effroi pour laisser place à un fantôme; quant à la femme, il paraît qu’elle est quelque part, ailleurs.

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