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Musée D’art Moderne – Département Des Aigles

18 Avr - 05 Juil 2015
Vernissage le 18 Avr 2015

Le Musée d’Art Moderne – Département des Aigles est certainement l’œuvre la plus icônique de Marcel Broodthaers. Ce projet a débuté en 1968, avec l’idée de faire un «musée comme institution imaginaire, idée fixe, principe d’ordre ou temple d’artistes». Cette exposition vise à en rendre compte dans sa forme la plus aboutie jamais présentée à ce jour.

Marcel Broodthaers
Musée D’art Moderne – Département Des Aigles

Réalisateur de films, photographe, poète, artiste, Marcel Broodthaers a radicalement remis en cause le système d’échanges existant entre l’art et l’argent, s’interrogeant sur les liens entre l’œuvre d’art, l’institution muséographique, le public, les marchands d’art et les acheteurs. La réflexion de cet artiste qui avait anticipé ces questionnements résonne tout particulièrement à la Monnaie de Paris qui depuis douze siècles «fabrique» l’argent des Français et d’autres pays.

Marcel Broodthaers témoigne des changements profonds de l’art au XXème siècle: l’œuvre qui naît d’un double renoncement, au matériau initial, la peinture, et au mythe d’une identité toute faite, celle de l’authenticité artistique. Il anticipe l’univers de l’objet, du concept et de l’installation en montrant que l’œuvre, c’est l’exposition.

Historique, cette exposition construite autour du projet majeur de l’œuvre de Marcel Broodthaers, le Musée d’art Moderne – Département des Aigles (1968-1972) est le fruit d’un travail de recherches de plusieurs années menées par la Monnaie de Paris en lien étroit avec Maria Gilissen Broodthaers et Marie-Puck Broodthaers.

Véritable enquête sur les traces du projet d’une vie, ces recherches ont amené ses protagonistes à mobiliser de très nombreuses collections publiques et privées, des institutions avec qui Marcel Broodthaers avait collaboré, mais aussi des artistes, des écrivains…. dans le seul but de reconstitué, à la Monnaie de Paris, le Musée d’art Moderne – Département des Aigles, non pas dans son intégralité (cela serait trahit le projet originel de l’artiste), mais dans sa forme la plus accomplie, la plus aboutie, jamais présentée à ce jour.

Marcel Broodthaers a donné vie à une production plastique considérable sur une période de seulement huit années. Sa carrière fulgurante et l’écho particulier de son travail auprès d’artistes tels que Magritte, Joseph Beuys, Hans Haacke, James Lee Byars contribuent à la création de l’icône de l’art moderne qu’il représente aujourd’hui encore pour des artistes comme Daniel Buren, Dan Graham, Mike Kelley, ou encore Danh Vo, Tacita Dean, Ceryth Wyn Evans.

Son Å“uvre majeure, le Musée d’art Moderne – Département des Aigles participe également à sa légende. La naissance de ce projet s’inscrit dans le contexte de 1968 à Bruxelles, dans une Europe marquée par une dynamique contestataire issue d’une réflexion profonde sur les changements de la société et, par extension, sur l’art et ses institutions.

C’est dans ce contexte qu’est né le Musée d’Art Moderne, dans une discussion autour du «musée comme institution imaginaire, idée fixe, principe d’ordre ou temple d’artistes» et qu’il a commencé à rédiger des Lettres ouvertes (1968-74), présentées en partie dans l’exposition, dont une lettre dans laquelle il annonce l’ouverture du Musée d’Art Moderne – Département des Aigles en s’autoproclamant «directeur» et «conservateur» de ce musée de fictions, qu’il ouvre dans son appartement à Bruxelles, cinq ans avant le musée des Obsessions de Harald Szeeman.

Composée de cartes postales, de projections de diapositives, de caisses de bois vides pour le transport des œuvres, la première section de ce musée, La Section XIXème siècle, sera ensuite suivie par d’autres sections, composées d’œuvres d’art et d’objets du quotidien, présentées dans d’autres lieux. Trace de l’inauguration du Musée rue de la Pépinière, la Projection sur caisse (1968) accueille le visiteur dans l’enfilade des salons de la Monnaie de Paris.

Ce Musée d’Art Moderne – Département des Aigles fonctionne comme une véritable institution, il est l’occasion de vernissages, se déplace de musées en galeries.

Les années 1970-1971 marquent un tournant dans l’histoire du Musée qui est déclaré «à vendre pour cause de faillite», Marcel Broodthaers poursuivant sa réflexion entre l’art, l’institution du musée et le marché de l’art. La Section Financière (1971) est ainsi composée d’un lingot d’un kilo d’or poinçonné d’un aigle, vendu pour collecter des fonds au profit du Musée, à un prix calculé au double de la valeur du marché de l’or, l’augmentation représentant la valeur du lingot en tant qu’objet d’art. C’est dans cette vision d’anticipation de notre contemporanéité que le lingot d’or présenté ici est celui appartenant à l’artiste Danh Vo.

C’est en tant que «conservateur» que Marcel Broodthaers commande des œuvres à des artistes tels Gerhard Richter, Sigmar Polke, Georg Baselitz, Richard Hamilton pour intégrer à son musée aux côtés de plus de quatre cents objets, peintures, sculptures, objets d’usage, ayant tous pour point commun de représenter un aigle, et accompagnés chacun de la plaquette «N°… Ceci n’est pas une œuvre d’art.» en référence à la fois à Magritte et à Duchamp.

Les détails de cette section sont reconstitués pour la toute première fois à la Monnaie de Paris, grâce aux prêts des mêmes institutions, collectionneurs, antiquaires qui avaient été contactés à l’époque par l’artiste.

Interrogeant la valeur des œuvres d’art, ce musée, léger détournement mais aussi éloge de l’institution, questionne les notions de collections et de classifications. Cette exposition présente également, dans l’Escalier d’honneur, le Balancier d’Austerlitz (1810) de la Monnaie de Paris qui n’avait pu être transporté à l’époque et que Marcel Broodthaers avait alors choisi de présenter sous forme photographique.

Le visiteur pourra également découvrir la Section Publicité. Conçue à Kassel à l’occasion de la Documenta V en 1972 sous l’invitation de Harald Szeeman, elle met l’accent sur la reproductibilité des œuvres et pose la question du spectateur consommateur. Marcel Broodthaers disait que «dans la publicité, l’art est utilisé et reçoit un énorme succès». En opérant une comparaison entre l’aigle dans l’histoire de l’art et l’aigle dans la publicité, il reproduit sous forme de photographies tous les objets qu’il avait exposés en 1972 à Düsseldorf.

Toujours à la Documenta V, Marcel Broodthaers remplaça sa Section d’Art Moderne par une Galerie du XXème siècle composée d’une pièce vide avec les mots: «Ecrire, Dessiner, Copier, Figurer, Parler, Façonner, Rêver, Echanger, Faire, Informer, Pouvoir». C’est ce dispositif que l’on retrouve dans la Salle Blanche (1975), œuvre exposée dans le Salon d’honneur de la Monnaie de Paris.

Marcel Broodthaers est né à Bruxelles le 28 janvier 1924 et décédé à Cologne le 28 janvier 1976.

critique

Musée d’art moderne. Département des Aigles

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