DESIGN | CRITIQUE

Morning Mist

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@18 Sep 2011

Jeune designer au talent prometteur, Benjamin Graindorge propose pour sa première exposition personnelle une série de variations impressionnistes autour de la lumière, et en particulier celle de l’aube, dont l’éphémère délicatesse se traduit tout à la fois dans la précision du dessin et la fragilité des matériaux.

A l’écart des sentiers battus, dans un lieu inauguré en janvier 2011, Valerie Maltaverne expose Benjamin Graindorge. Au cours des deux années passées il a essaimé quelques objets délicats lors de présentations collectives. Il livre, ici enfin, une présentation singulière et puissante.
Dessins et objets dialoguent: son trait esquisse au crayon sec, avec une légère rehausse de couleur, des projets d’une délicatesse immatérielle, rêvés sans aucun doute à l’aube. Une résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto a affirmé sa personnalité. Sa sensibilité et son expression en design revêtent la forme dense et concise du Haïku.

Présentés dans cette exposition, quatre nouveaux projets viennent confirmer la démarche engagée par ce jeune designer diplômé de l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création industrielle) en 2006.
Son désir se traduit par des pièces complexes qui réinventent la lumière de l’aube, proposition légère et délicate, rigoureuse et poétique.

L’intention de l’exposition se livre dans le projet Morning mist — Brume matinale — une série de luminaires de table composés d’une nébuleuse de billes de verre assemblées à la main. Ces transparentes «billes de précision» empruntées au registre industriel, sont nuancées par un bouquet diffus de billes de couleur qui donne à chaque composition une inflexion colorée, champagne, bleue… Subtile altération d’un ensemble visuellement fugace, infini, qui semble flotter, s’envoler en un état gazeux que le designer ancre, en contrepoint, avec un socle d’acier peint.

Le verre industriel est également utilisé avec Cristal cane, une interprétation des tubes et éprouvettes des laboratoires de chimie. Des tiges creuses, soufflées à la bouche au SERFAV, sont subtilement pliées et constituent, malgré leurs qualités de légèreté et de fragilité, le piétement structurel de lampes.
Le fil électrique qui coulisse dans le tube semble flotter dans l’espace, tandis que l’ampoule diffuse sa lumière à travers une cloche allongée en verre soufflé, subtile forme organique dont la base facettée vient s’effacer dans la partie haute.

Au verre succède le bois, sur lequel Benjamin Graindorge opère une greffe, un bouturage avec une branche de chêne choisie dans la forêt et laissée en l’état. Ce prélèvement dans la nature est agencé à tenons et mortaises par les mains expertes d’un ébéniste traditionnel, Bruce Mc Weeny, talent subtil qui donne forme à un banc lisse, dont le piètement est en verre massif. L’ensemble baptisé Fallen tree est le fruit de recherches réalisées à partir du dessin, un rêve de farfadet qui mêle poétiquement nature et culture.

Le dernier projet présenté, Between shadows, invite à la contemplation de la lumière. Des cierges happent le regard qui se laisse ensuite porter par une lumière fluctuante, abritée comme un trésor par deux formes sculpturales, deux niches immaculées conçues en biscuit de porcelaine. Un travail complexe où la surface mate, douce au toucher, prend une forme inédite et séduisante. Une source d’émotion que l’on souhaite prolonger devant la beauté de ce feu adressé et contenu.

Benjamin Graindorge nous invite à partager sa délicatesse, sa sensualité et son approche de l’ombre, ni noir, ni blanc… Avec cette première exposition en solo il se révèle un jeune designer incontournable aujourd’hui.

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