DANSE | CRITIQUE

Miroku

PSarah Ihler-Meyer
@12 Oct 2009

Le corps comme champ de bataille entre le chaos des pulsions et leur harmonisation est au cœur de Miroku, le nouveau spectacle de Saburo Teshigawara. Les couleurs, la musique, tous les éléments scénographiques participent à cette lutte qui ne se résout que dans un équilibre toujours menacé. Apollon et Dionysos sont sur scène.

Traversé par mille pulsions et affects, le corps de Saburo Teshigawara, seul en scène, se contorsionne, halète, se crispe, se replie nerveusement. Puis, soudainement, les mouvements se délient, deviennent fluides, hypnotiques, jusqu’aux nouveaux soubresauts du corps. Eternel retour du même, les membres tressaillent et s’apaisent. La musique et la couleur des murs suivent au millimètre ces variations d’intensité, passent de la mélodie la plus douce au son le plus brutal, de la teinte la plus enveloppante à la tonalité la plus isolante. « L’harmonie est quelque chose qui n’est ni fixe, ni stable. C’est une situation d’équilibre, en constante transformation. L’harmonie n’est jamais achevée ; elle demande une lutte avec ses propres doutes. » (Saburo Teshigawara)

Ce passage permanent du désordre à l’ordre rappelle les figures d’Apollon et de Dionysos, symboles respectifs de l’harmonie et du chaos. Ces deux entités se confrontent à l’intérieur de toute subjectivité, où la multitude des affects — la dimension dionysiaque —, ne se hiérarchise, ne prend forme — la dimension apollinienne —, que ponctuellement. De la tension à la détente une sensation succède à l’autre, créant un rythme, « un flux qui informe le temps et en fait un autre temps. » (Jacques Aumont)

Les rares moments d’équilibre, toujours menacés par le chaos, se situent entre les mouvements de contraction et d’expansion, entre le resserrement de l’espace sur le corps et le déploiement du corps dans l’espace. C’est que, en proie à ses propres pulsions, le corps cherche à fuir en se dispersant à l’extérieur ou au contraire en se recroquevillant. Les bras, les jambes, la nuque et le torse s’hystérisent, se déploient au dehors ou se replient sur eux-mêmes. En retour la musique, les couleurs et la lumière changent, car l’espace « n’existe pas de manière indépendante, mais (…) naît de la relation entre différentes énergies ». (Saburo Teshigawara)

Le chaos et l’ordre bataillent jusqu’à la fin de Miroku, où le calme bleuté de la scène finale est plein du désordre à (re)venir. Cet éternel retour de Dionysos et d’Apollon trouve un écho dans les paroles de Saburo Teshigawara: « j’essaie d’exprimer quelque chose d’invisible. Ce ”quelque chose” n’a pas de forme spécifique, c’est plutôt une forme qui s’efface, qui est constamment en train d’apparaître et de disparaître. Je me sens proche de ce qui est en train de disparaître plutôt que de ce qui essaie de se stabiliser. »

Durée : 1h

— Chorégraphie, scénographie, lumières, costumes : Saburo Teshigawara
— Solo : Saburo Teshigawara
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Sélection musicale : Neil Griffiths, Kei Miyata, Saburo Teshigawara
— Coordination technique, lumière : Sergio Pessanha
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Son : Tim Wright
— Assistante du chorégraphe : Rihoko Sato

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