ÉCHOS
01 Jan 2002

Mathieu Lehanneur au Labo

Mathieu Lehanneur poursuit sa collaboration avec le Laboratoire en créant deux nouveaux espaces, Labobrain et Laboshop, fruits d’un design intelligent et innovant, au service de l’identité expérimentale du lieu.

Par Anne Bony

Le Laboratoire est un lieu de recherche expérimental fondé par le scientifique et écrivain David Edwards, chercheur et enseignant à Harvard dans le domaine du développement des idées dans les arts et les sciences. « L’art comme la science, est un acte de recherche. … Le processus qui y conduit reste lui, mystérieux. »

Ce qui intéresse cet américain à Paris, c’est le principe de l’innovation et sa mise en œuvre pratique. Il réunit des équipes venant de disciplines éloignées dans sa plateforme de recherche, né il y a un an à peine non loin du Palais-Royal : le Laboratoire. Depuis son ouverture, le lieu a accueilli le plasticien Fabrice Hyber, le designer Mathieu Lehanneur, le photographe James Nachtwey et le chef Thierry Marx dans une perspective de collaboration avec les scientifiques. Chaque exposition consiste à explorer un champ spécifique et rendre possible des expériences jusqu’alors jamais tentées. Invention, innovation dans le domaine de la cuisine, de la santé…

Mathieu Lehanneur, lui, a établi avec David Edwards une relation extrêmement fine. Pour sa première exposition dans le lieu, il invente Bel air, un purificateur d’air qui absorbe et résorbe, par les plantes et leurs racines, les gaz toxiques de nos intérieurs. Il sera commercialisé dans le Laboshop, sous le joli nom d’Andrea.

Lieu d’expérimentation et de résultat, lieu mouvant, le Laboratoire propose, en plus des expositions, un espace commercial dédié aux fruits de la créativité. Ce Labo-shop, autre œuvre de Mathieu Lehanneur, orchestre dans une superficie relativement restreinte, un système de caissons suspendus, transparents et verticalement mobiles grâce à un système de pantographes télécommandés. Une variation modulaire de l’espace. Le soir, dans sa position haute, l’espace est libéré pour les invités du Foodlab et, dans la journée, la vendeuse peut manipuler à volonté les caissons-vitrines. Produit d’une réflexion technique simple, le système, qui emprunte son vocabulaire à l’univers industriel, est inattendu et émouvant.

Cette collaboration fructueuse entre le designer et le lieu d’art parisien se prolonge fin 2008 avec la création du Labobrain, centre névralgique du Laboratoire et bureau de David Edwards en personne. Le brief est simple : il s’agit d inventer un espace de travail et de concentration, clos et ouvert à la fois, lieu de stockage de l’information et lieu de vie. Conçu à l’image du cerveau humain, l’un de ses hémisphères abrite avec poésie le pouf Cauchemar de Buckminster Fuller et l’alcôve Whiteboard, grande coque en résine, partition blanche de la réflexion. Une vie souterraine dégage une énergie chaude et humide : sous des caillebotis métalliques Mathieu Lehanneur plante un sous-bois. Des plafonniers soufflés par les verriers de Murano diffusent une lumière douce portée par des formes organiques proliférant de façon aléatoire.

L’autre côté, plus rationnel avec ses cartonnages blancs d’archivage, fonctionne comme un espace clinique pour seconder le libre-penseur. En périphérie de la pièce, des caissons de trois tailles différentes, en tôle, sont traités comme des objets précieux aux couleurs rares, avec tirette en cuir raffiné. Un fauteuil de Frank Gehry semble prolonger l’espace rêvé de David Edwards.

La visite se poursuit au Foodlab, conduite par le chef Thierry Marx, doublement étoilé au Michelin. Cet expérimentateur des saveurs nous invite à humer, sous un plafond miroir, le « Waff » alchimie des saveurs ou encore à assister à la confection d’un gâteau au chocolat sans cuisson avec meringue à la pulpe de fruit givrée à l’azote liquide. Un choc de texture et de températures.

Cette programmation de l’espace par l’ingénieux designer Mathieu Lehanneur semble combler avec évidence l’attente du chercheur d’Harvard David Edwards, qui passe désormais neuf mois sur douze dans la capitale française. La mise sur orbite de son satellite du futur dans ce vieux Paris, territoire de collaborations multiples, occupe l’enfant génial de la prospective. Le travail qui s’est établi entre ces deux personnalités est exemplaire. Données complexes, solutions riches. A suivre…

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