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Lida Abdul

24 Oct - 30 Jan 2016
Vernissage le 23 Oct 2015

Difficile de visualiser l’Afghanistan sans recourir à des images de guerre, de chaos. Pourtant, la vidéaste Lida Abdul s’emploie à montrer un autre visage de son pays d’origine. Elle s’attache au peuple, illustrant l’absurde brutalité du quotidien des Afghans.

Lida Abdul
Lida Abdul

Si Lida Abdul vit à présent à Los Angeles, toutes ses œuvres – performances, photographies et surtout films – sont réalisées dans son pays d’origine, l’Afghanistan, où elle retourne régulièrement depuis 2001. De ce pays «fantôme», de cette terre en guerre depuis plus de trente ans, Lida Abdul montre inlassablement les paysages et les habitants. Loin de toute esthétique commémorative ou documentaire, ses films optent pour de courts récits sous forme de parabole, tandis que les figures de ses photographies s’élèvent au rang d’allégories, moins, peut-être, pour évoquer la guerre que pour surprendre une vie qui tente de reprendre son cours parmi les stigmates des conflits successifs.

Les paysages sont en effet parsemés d’épaves (matériel militaire) et de ruines, omniprésentes au point de se confondre avec la roche de ce pays aride. Jean-Yves Jouannais a bien souligné la relation intime que paysage et géographie entretiennent avec la guerre, combien ils peuvent mutuellement s’incarner, chacun absorbant l’autre. Certes, la ruine dit la dévastation et la désolation mais, dans le vestige même, quelque chose perdure aussi, résiste à l’événement destructeur.

Car hommes, enfants ou, plus rarement, une femme, n’y errent pas comme Edmund dans le Berlin détruit d’après-guerre (Allemagne année zéro de Roberto Rossellini). Ils exécutent généralement une tache répétitive: amener et empiler des briques les unes après les autres (Brick Sellers of Kabul), repeindre des ruines en blanc (The White House), écrouler ou redresser quelque pan de mur branlant (Once Upon Awakening), ou encore transformer une épave d’avion soviétique en cerf-volant (In Transit).

La répétitivité, accentuée par le ralentissement de l’image et l’étirement du son, auxquels l’artiste soumet la plupart de ses films, peut nous signifier la vanité d’un effort voué à un éternel recommencement. Mais ce même ralenti souligne aussi le potentiel chorégraphique de toute gestuelle: la répétitivité suggère alors une autre forme de résistance, une mise en boucle dont la circularité obstinée provoquerait quelque transe contemplative. Enfin, l’étirement temporel est celui de qui sait s’attarder dans les ruines mêmes, s’en remettre à la lente reconstruction de la mémoire et de l’histoire.

L’œuvre de Lida Abdul interroge ce qu’un artiste peut encore opposer à la violence en général et à la guerre en particulier: des paysages, des gestes, des sons rares et assourdis, un ralentissement du temps pour mieux s’en ressaisir. Ses œuvres silencieuses orchestrent une chorégraphie des corps dont la répétitivité oscille entre absurdité et mysticisme.

Anne Giffon-Selle, juin 2015

Repères biographiques
Née en 1973 à Kaboul, Lida Abdul vit et travaille à Los Angeles. Elle est diplômée en beaux-arts, philosophie et sciences politiques de l’Université de Californie. Elle utilise comme mediums la performance, la vidéo et la photographie, renvoyant toujours aux conflits que traverse son pays d’origine. Elle a été la première artiste de son pays à représenter l’Afghanistan à la Biennale de Venise, en 2005. Lida Abdul est représentée par la galerie Giorgio Persano, à Turin.

Vernissage
Vendredi 23 octobre 2015 à 18h30

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