ART | VIDÉO

Lettres de Panduranga

27 Nov - 14 Fév 2016
Vernissage le 26 Nov 2015

Dans la province de Ninh Thuân, autrefois appelée Panduranga, le gouvernement vietnamien prévoit de construire d’ici à 2020 les deux premières centrales nucléaires du pays. Avec son essai filmique, la cinéaste Trinh Thi Nguyen cherche à amener un débat sur ce projet très contrôlé.

Trinh Thi Nguyen
Lettres de Panduranga

Avec Lettres de Panduranga (2015), commandée dans le cadre de la programmation Satellite co-produite par le Capc, Trinh Thi Nguyen prolonge ses expérimentations à la frontière du documentaire et de la fiction dans un essai filmique réalisé avec des villageois de l’ethnie Cham vivant dans le dernier territoire de l’ancien royaume de Champa. La province de Ninh Thuân, qui portait autrefois le nom de Panduranga, est le centre spirituel de l’antique culture matriarcale Cham.

Lettres de Panduranga
trouve sa source d’inspiration dans le projet du gouvernement vietnamien de construire d’ici 2020, dans la province de Ninh Thuân, les deux premières centrales nucléaires du pays. Le débat public relatif à ce programme a été très largement inexistant au Vietnam: l’Etat exerce en effet un contrôle strict sur les activités des médias ainsi que sur les possibilités d’expression de l’opinion publique et a exclu des consultations les collectivités locales concernées.

De 2013 à 2015, s’appuyant sur un réseau d’intellectuels Cham, Trinh Thi Nguyen a séjourné à plusieurs reprises dans la province de Ninh Thuân. A chacune de ses visites, elle a été confrontée aux problématiques de l’accessibilité, de la représentation et de la documentation – ainsi qu’à celle de la prise de parole au nom d’autrui. Si Lettres de Panduranga est tout d’abord conçu comme un portrait des Cham du Vietnam confrontés à des circonstances qui menacent leur existence même, l’œuvre a également évolué, par voie de conséquence, en un portrait de l’artiste en vidéaste.

«En tant qu’artistes, explique Trinh Thi Nguyen, nous sommes animés par deux désirs contradictoires: celui de nous engager, mais aussi celui de disparaître.» Tandis que nous découvrons avec les portraits individuels et de groupes filmés au plus près les magnifiques paysages maritimes et terrestres de la région, des espaces et des rituels sacrés ou profanes soigneusement cadrés, un homme et une femme anonymes lisent en voix off les lettres qu’ils se sont adressées l’un à l’autre. Confrontés tous deux à une incertitude multiforme, ils articulent un questionnement critique à propos de ce qui nous est donné à voir: le travail de terrain, l’ethnographie, l’accès à l’histoire, la perpétuation des colonialismes – de l’invasion du Vietnam par les Français à l’invasion du pays des Cham par les Vietnamiens.

D’autres évocations se font jour au fil de l’œuvre: les bombardements américains, les objets issus des expositions coloniales et des collections d’art, la vulgarité des lieux touristiques et des politiques culturelles de l’Unesco, mais aussi des citations rendant hommage aux deux influences principales de Trinh Thi Nguyen, à savoir Lettre de Sibérie, de Chris Marker (1957), et Les Statues meurent aussi, de Chris Marker et Alain Resnais (1953), deux films documentaires novateurs qui expriment une critique incisive des conséquences de l’industrialisation et du colonialisme.

L’exposition est présentée dans le cadre de la programmation Satellite co-produite par le Capc musée d’art contemporain de Bordeaux, le Jeu de Paume et la Fondation nationale des Arts graphiques et plastiques.

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