ART | EXPO

Les Ruses de l’intelligence

10 Oct - 13 Déc 2015
Vernissage le 10 Oct 2015

En s’appuyant sur l’ouvrage éponyme de Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant, il s’agit de mettre en avant une intelligence pratique et adaptative, qui saurait se moduler aux aléas et circonstances, dans le cadre d’une réflexion portant sur le monde du travail et le contexte social-économique contemporain. La place de l’activité artistique est ainsi questionnée, à moins que ce ne soit la notion même de travail qui soit réévaluée.

Eva Barto, Stefan Brüggermann, Ève Chabanon, Jeremy Deller & Alan Kane, Harun Farocki, Patricio Gil Flood, Gianni Motti, Jean-Luc Moulène, Pratchay Phinthong, Julien Prévieux, Allen Ruppersberg, Mladen Stilinovic, Superflex
Les ruses de l’intelligence

Avec « Les ruses de l’intelligence », Le Parc Saint-Léger propose d’explorer les définitions du travail, ses contextes et ses conventions. À une époque où la finance occupe une place toujours plus grande, où l’économie est largement globalisée, la place du travail semble de plus en plus abstraite. Dans un tel cadre, quelle est la valeur réelle ou supposée du travail ? En réunissant des artistes sous le titre du livre de Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant, livre qui traite de la mètis chez les Grecs, cette exposition ne se présente pas comme un état des lieux ni comme un témoignage de notre contexte socio-économique. S’inspirant de cette idée de mètis, elle cherche plutôt à mettre en évidence une intelligence pratique, des savoirs faire et des stratagèmes qui remettent en question l’ordre établi. Dans le monde du travail, cette disposition d’esprit trouve un accomplissement dans la « perruque ». Initialement issue du monde industriel, cette pratique consiste à fabriquer un objet pour son usage personnel en détournant les moyens et les outils de l’entreprise. Elle soustrait à l’usine principalement du temps plutôt que des matériaux en vue d’un travail créatif, libre et surtout sans profit. Cette coutume parcourt l’exposition de manière allusive non pas comme un témoignage de la vie industrielle, mais comme une possible réflexion sur des formes d’activité et de production alliant inventivité et flexibilité, liberté et adaptabilité. Des considérations qui résonnent de façon particulièrement appropriée dans un contexte où les distinctions entre travail et vie privée, entreprise et environnement, s’estompent. Une situation qui nous amène naturellement à nous interroger sur la place et la valeur du travail artistique dans l’économie générale.
L’activité artistique est encore trop souvent perçue comme une activité extra-économique idéalement désirable, en particulier si elle n’est pas réalisée en échange d’un gain. Les positions présentes interrogent ainsi la place et la valeur du travail dans ce que l’on nomme le monde de l’art. Elles permettent également de questionner une structure en profonde mutation où le travail pourrait être défini autrement qu’en des termes de producteur-consommateur, et qui entraîne un rapport différent entre les temps occupés et libérés.
Certaines oeuvres, comme celle d’Harun Farocki, Jean-Luc Moulène, Jeremy Deller et Alan Kane, s’inspirent précisément du contexte industriel et suggèrent un monde du travail en profonde mutation qui est peut-être en train de disparaître. D’autres, comme celles de Superflex ou Pratchaya Phinthong, donnent corps au contexte social et économique globalisé en évoquant les effets et conséquences de la crise financière sur les gens. Un ensemble d’oeuvres s’interroge, au contraire, de la valeur réelle ou supposée du travail, et par extension de la place du travail artistique. Ainsi, Julien Prévieux expose dans ses Lettres de non-motivation les raisons pour lesquelles il ne souhaite pas collaborer avec le monde de l’entreprise, alors que Gianni Motti se met en scène en travailleur planqué et un peu perruqueur. Les artistes comme Allen Ruppersberg, Mladen Stilinović ou encore Patricio Gil Flood nous invitent à reconsidérer les rapports entre le temps du travail et celui du temps libre et à opérer une réorganisation possible dans l’occupation de chacun. Enfin, Stefan Brüggemann, Ève Chabanon et Eva Barto interrogent, chacun à sa façon, la portée de l’engagement dans le domaine artistique, en mettant en oeuvre une parole qui questionne aussi bien nos modes de production que de réception.
L’exposition sera aussi l’occasion de découvrir le « véritable » travail en perruque avec l’intervention, le jour du vernissage, de Robert Kosmann, historien spécialiste de la perruque, ancien ouvrier de la Régie Renault et perruqueur lui-même.

Catherine Pavlovic

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