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Les Repérages. Rencontres internationales de la jeune chorégraphie

Akram Khan, Gilles Jobin, Wayne Mac Gregor, Nacera Belaza ou encore Cindy van Acker, voici des noms de première importance de la scène artistique contemporaine, repérés à Lille au fil des différentes éditions du festival.
Cécile Bréant, la nouvelle directrice des Repérages le rappelle avec une certaine fierté. C’est aussi une manière de rendre hommage à Catherine Dunoyer de Ségonzac, qui l’a précédée dans cette fonction. La spécificité de cette manifestation tient au fait qu’elle cristallise les choix artistiques de différentes structures partenaires des pays membres du réseau, se situant ainsi au plus près de l’émergence des nouvelles propositions artistiques. L’échange, la circulation et la production des œuvres de jeunes chorégraphes sont les principales valeurs du festival, que Cécile Bréant entend défendre. Gageons qu’elle saura également imposer sa marque.

En 2006 Ambra Senatore présentait aux Repérages Domestica, une forme courte. Depuis, la jeune chorégraphe a beaucoup tourné. Elle revient à Roubaix pour ouvrir le bal avec John, sa nouvelle création, toujours empreinte d’humour et de sensibilité, inspirée, ce qui est nouveau pour elle, par la présence et les mouvements masculins. Le ton est donné, une relation concrète, directe, s’instaure entre la scène et les spectateurs. Les propositions qui vont suivre l’affinent et l’enrichissent de nuances.
Ainsi le folk farfelu des finlandais de la compagnie Off/Balance qui irrigue une danse poétique, toute en pointillés. Ou encore les croates de BADco, dont la proposition tourne justement autour de la communication et de la compréhension entre individus, dans une danse heurtée et graphique, qui s’avance comme un dialogue.
C’est avec l’environnement qu’Andrea Gallo Rosso tente d’instaurer une conversation basée sur les perceptions les plus élémentaires. Tatiana Julien revient aux prémisses de Douve et interroge la poésie d’Yves Bonnefoy.

Les deux véritables révélations de cette édition des Repérages nous touchent d’abord par leur relation avec les arts plastiques et une forte dimension performative. Yuko Kominami et Gilles Sornette nous livrent une déclinaison scénique de l’installation AtHome, créée par ce dernier, inspiré qu’il était par la puissance ambivalente de l’énergie nucléaire. Artiste visuel et sonore, Gilles Sornette invite la danseuse et chorégraphe Yuko Kominami, qui donne corps, entre l’ombre et l’empreinte noire, à un ressenti ambigu propre à une génération japonaise élevée à la technologie, pour laquelle le choc de Fukushima ne fait que raviver le traumatisme refoulé de la bombe atomique.

Le ballon qui gravite au dessus du plateau dénudé pour le solo de Rudi van der Merwe, en deçà de sa nature familière et ludique, nous renvoie aux mystères de la météorologie et astronautique. Le performeur originaire d’Afrique du Sud, passé par la formation ex.e.r.ce au Ccn de Montpellier, vit et travaille actuellement en Suisse.
C’est dans le cadre du cabaret chorégraphique du festival Antigel 2011 qu’il présentait Solstice, petite forme qui flirtait avec le burlesque et une certaine violence faite au corps à travers un jeu d’attaches et de piercings. Celestiam spunk montré aux Repérages affine cette recherche. La pièce se donne comme un solo pour un corps mortel, sexué, culturel dont l’étendue dépasse la frontière de la peau. Une poésie absurde et iconoclaste se dégage des situations les plus incongrues. La légèreté et l’élévation ne peuvent guerre occulter un certain penchant pour la dérive, et deviennent subrepticement dangereuses quand la cordelette du ballon se serre tel un gibet autour du cou du performeur.

Au-delà du pathos ou de la provocation, la danse s’offre comme un état impondérable qui informe les chairs en même temps qu’il ouvre notre imaginaire à des espaces inconnus et surprenants. Les Repérages ont été fructueux cette année, rendez-vous en 2014!