ART | CRITIQUE

Les Injonctions

PAurélie Romanacce
@05 Mai 2008

Nicolas Darrot met en scène le rôle de l’apprentissage de la parole dans la définition de l’humain. Entre science et poésie, des marionnettes bavardes échouent à inculquer les bases du langage à d’autres automates. Un langage onirique déplace les frontières du vivant et de l’inanimé. 

Des petites marionnettes aux corps d’homme surmontés de têtes d’animaux gesticulent de manière brusque et saccadée sur des promontoires en bois. De ces boîtes s’échappent leurs discours en accéléré qui enjoignent d’autres machines à apprendre à parler.
Nicolas Darrot, passionné de science a créé de véritables automates afin de questionner l’essence du vivant dans son rapport à l’apprentissage.

L’exposition se présente comme un ensemble de saynètes d’un théâtre miniature où chaque marionnette, dans une gestuelle démantibulée aussi amusante qu’inquiétante, tente d’inculquer à d’autres machines les bases du langage.

Un livret accompagnant l’exposition décrit les procédés techniques et les enjeux de l’exposition à travers des schémas et des photographies. Des documents extraits de manuels de linguistique ainsi que les dialogues écrits par l’artiste pour ses mises en scène renseignent sur le dispositif des œuvres.

Injonction 1 se présente comme un dialogue absurde entre deux automates : une souris et un larynx mécanique. Allusion à une véritable machine créée dans les années 1860, l’automate émet des syllabes dénuées de sens, proche d’un vocabulaire primitif qui se rapproche davantage de sons physiques que signifiants.

Ces machines, que l’artiste qualifie d’«auto apprenantes», oscillent entre le vivant et l’inerte, l’imaginaire et le mortuaire. Dans chaque pièce, les injonctions sont des performances qui se présentent comme des modèles à suivre pour celui qui apprend.

Une marionnette invective un sac qui se gonfle tant bien que mal pour émettre des sons tandis qu’une autre s’adresse d’un ton sentencieux à une ceinture de métal.
Si Nicolas Darrot s’inspire de la robotique c’est dans le but de tisser des réseaux poétiques qui feraient émerger de ces injonctions du langage une science expérimentale du sujet.

En faisant appel à l’artefact, thème fondateur de la littérature et du cinéma gothique à travers Frankenstein ou Metropolis, Nicolas Darrot souligne l’échec inhérent à toute entreprise fondée sur le contrôle face à l’anarchie et aux imperfections du vivant.

L’imaginaire comme force d’opposition à toute communication normative trouve sa réalisation dans Résurrection de Lazare. Un automate emmailloté sort d’un tombeau en psalmodiant des versets, symbole d’un langage gratuit tourné vers le spirituel.

 A travers les soubresauts mécaniques d’un langage désaccordé, Nicolas Darrot fait triompher l’individu en sujet libre face à la pesanteur des injonctions performatives.

Publications
Marguerite Pilven, Nicolas Darrot, Galerie Eva Hober, Paris, 2006.

Nicolas Darrot
— Injonction 1, 2008. Matériaux divers et servomoteurs, dispositif sonore. 120 x 160 x 30 cm.
— Injonction 2, 2008. Matériaux divers et servomoteurs, dispositif sonore. 100 x 65 x 26 cm.
— Dialogues d’exilés, 2008. Matériaux divers et servomoteurs, dispositif sonore. 100 x 65 x 26 cm.

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