ART | EXPO

Le vrai sportif est modeste

08 Oct - 20 Déc 2011
Vernissage le 07 Oct 2011

Avec ses deux oeuvres-prototypes — une voiture et une moto — Alain Bublex opère un transfert du champ technique vers celui de l’art. Bien plus que le produit fini, c'est la mise en place d'une situation nouvelle qui l'intéresse.

Alain Bublex
Le vrai sportif est modeste

Cette exposition met en parallèle deux expériences récentes menées par Alain Bublex autour de la notion de prototype. Là où le prototype dans l’industrie est le fruit d’une série de consensus technico-économiques visant à une production en série commercialisable, le prototype chez Bublex est envisagé sous l’angle de la mise en place d’une situation nouvelle.

L’ idée selon laquelle le prototype atteste d’une position à la fois solitaire et héroïque de l’inventeur trouve son point d’ancrage dans le projet Feet First. Alain Bublex s’appuie sur un groupe de passionnés de mécanique anglo-saxons qui défend l’idée que la position optimale d’une moto n’est pas le buste en avant mais bien les pieds en avant. À l’instar de ce groupe anglo-saxon, l’artiste n’a pas adopté les méthodes et moyens de l’industrie pour développer sa propre version du Feet First. Bricolée dans la plus pure économie de moyens, proche d’une économie domestique, la première version avait pour particularité de pouvoir être essayée par le public moyennant la signature d’une décharge. Quand la proposition lui a été faite de travailler avec un groupe d’élèves ingénieurs de l’ISAT (Institut Supérieur de l’Automobile et des Transports) de Nevers et un groupe d’élèves designeurs de l’ESAAB (École Supérieure d’Arts Appliqués de Bourgogne), Alain Bublex a souhaité – non sans un brin de malice – proposer une actualisation du prototype Feet First par ceux là mêmes qui demain seront en charge de penser la question de l’innovation au sein de grands groupes industriels.

Avec L’expérience wabi-sabi (2011), Alain Bublex achète un véhicule en fin de vie et l’utilise pour un voyage allant de Paris au Japon, constatant au fil du voyage la lente désagrégation du véhicule. À l’héroïsme grandiloquent des expéditions qui ont vu des aventuriers traverser de longues étendues de terre à la conquête d’une terre lointaine et exotique, l’artiste oppose l’héroïsme absurde d’un objet inadapté et incongru, bricolé tout au long du parcours pour pouvoir fonctionner. En le poussant jusqu’à sa limite, le véhicule retourne ainsi à l’état de prototype, mais un prototype par l’usure et l’usage et non par l’étude comme l’est le Feet First.

Les deux expériences se répondent en ce sens qu’elles se situent aux deux extrémités de la vie d’un objet technique. L’un — le Feet First — n’en est pas encore un, alors que l’autre — L’expérience wabi-sabi — n’en est déjà plus un. L’un est dans la prospective, projeté vers l’avenir et voulant influer sur lui; l’autre dans l’usage, comme retenu dans sa partie archaïque. Mais dans les deux cas, ces deux objets en devenir s’échappent d’un circuit dont ils sont issus afin d’en former un nouveau, imprévu, rudimentaire mais enthousiasmant.

Au-delà de la monstration de ces deux objets, ce que l’exposition souligne, c’est l’aventure humaine qui les sous-tend. Par le biais de photographies redessinées sur ordinateur — une pratique courante chez l’artiste — Alain Bublex nous donne à voir l’expérience et ses héros, leurs tentatives pour faire émerger une forme dans le registre du réel. Mais le trouble que distille ces dessins assistés par ordinateur tire ce réel vers la spéculation, comme un double de lui-même, qui fixe de manière spectrale et à un instant T une tentative d’exister parmi d’autres, laissant le champ des possibles ouvert et potentiellement infini.

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