ART | CRITIQUE

Le Futurisme à Paris, une avant-garde explosive

PNicolas Villodre
@25 Oct 2008

Plus que du Futurisme, l’exposition traite de la notion de «cubofuturisme». Mais la magnifique reconstitution de l’Exposition des peintres italiens de février 1912 à la Galerie Bernheim–Jeune & Cie vaut à elle seule le déplacement.

Commençons par les choses qui fâchent. Le sujet annoncé, comme cela arrive de plus en plus, n’est pas traité. Au lieu de rendre compte du Futurisme, la majeure partie des espaces  est consacrée à Jeff Mills, un des pionniers de…  l’électro, qui a pu farfouiller à sa guise dans les archives de l’Ina, les détourner façon vidjam à l’aide de quelques effets empruntés au vocabulaire du cinéma expérimental, et qui a droit à une grande salle où passe en boucle un audiovisuel abusivement qualifié d’«installation»
Pour les films futuristes proprement dits, ou ceux issus de la galaxie de cette avant-garde historique, on n’aura qu’à voir ailleurs, au sous-sol du Centre.

Les cimaises mélangent allègrement des esthétiques voisines du Futurisme : le Cubisme, ce qui peut se comprendre, le Vorticisme, la Section d’or, l’Orphisme, l’art abstrait, etc. Curieusement, aucune place n’est faite ni au Pointillisme ni à la chronophotographie de Marey, qui ont joué un certain rôle dans l’imagerie du groupe de Marinetti.

L’exposition illustre la notion de «cubofuturisme» plutôt que le sujet annoncé. Du coup, on ne s’étonnera pas que certains artistes futuristes, italiens ou russes, et non des moindres (Depero, Soffici, Bourliouk, Maïakovski, notamment) ne soient pas représentés.

De même on n’a rien en matière de poésie (si ce n’est la lecture quelque peu surjouée par un comédien du Manifeste futuriste de 1909, le haut parleur diffusant le texte étant accroché près du fétiche qu’est devenue la première page du Figaro du 20 février 1909).
Rien sur le bruitisme (à quoi sert donc l’IRCAM ?). Rien sur le photodynamisme des frères Bragaglia. Et pratiquement pas de sculpture: aucune, en tout cas, de celles, inégalées, aux formes de Daimos carapaçonnés, de Boccioni, représenté uniquement en tant que peintre.

Heureusement, il y a la salle 4, espace double, et disposé en diagonale comme pour signifier le concept de base de ce mouvement artistique, qui est, précisément, celui du «mouvement» en soi. Cette salle mérite à elle seule le déplacement. On y a magnifiquement reconstitué l’Exposition des peintres italiens de février 1912 à la Galerie Bernheim–Jeune & Cie. Y trône la magistrale et spectaculaire huile de Gino Severini, La Danse du «pan-pan» au Monico (1909-1911), apparemment retouché ou restauré par l’artiste en 1959-1960, quelques années avant sa mort.

Manifeste du futurisme :
1. Nous voulons chanter l’amour du risque, l’habitude de l’énergie et de la témérité.
2. Le courage, l’audace et la révolte seront les éléments essentiels de notre poésie.
3. La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas de course, le saut mortel, la gifle et le coup de poing.
4. Nous affirmons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive … une automobile rugissante qui semble courir sur la mitraille est plus belle que la Victoire de Samothrace.
5. Nous voulons célébrer l’homme qui tient le volant dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite.
6. Il faut que le poète se prodigue avec ardeur, faste et splendeur pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux.
7. Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. Aucune œuvre d’art sans caractère agressif ne peut être considérée comme un chef-d’œuvre. La poésie doit être conçue comme un assaut violent contre les forces inconnues pour les réduire à se prosterner devant l’homme.
8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles! … Pourquoi devrions-nous nous protéger si nous voulons enfoncer les portes mystérieuses de l’Impossible ? Le Temps et l’Espace mourront demain. Nous vivons déjà dans l’absolu puisque nous avons déjà créé l’éternelle vitesse omniprésente.
9. Nous voulons glorifier la guerre — seule hygiène du monde —, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées pour lesquelles on meurt et le mépris de la femme.
10. Nous voulons détruire les musées, les bibliothèques, les académies de toute sorte et combattre le moralisme, le féminisme et toutes les autres lâchetés opportunistes et utilitaires.
11. Nous chanterons les foules agitées par le travail, par le plaisir ou par l’émeute : nous chanterons les marées multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; nous chanterons la ferveur nocturne vibrante des arsenaux et des chantiers incendiés par de violentes lunes électriques, les gares goulues dévorant des serpents qui fument, les usines suspendues aux nuages par des fils tordus de fumée, les ponts pareils à des gymnastes qui enjambent les fleuves étincelant au soleil comme des couteaux scintillants, les paquebots aventureux qui flairent l’horizon, les locomotives à la poitrine large qui piaffent sur les rails comme d’énormes chevaux d’acier bridés de tubes et le vol glissant des avions dont l’hélice claque au vent comme un drapeau et semble applaudir comme une foule enthousiaste.

C’est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd’hui le Futurisme parce que nous voulons délivrer l’Italie de sa gangrène d’archéologues, de cicérones et d’antiquaires …

Umberto Boccioni
— États d’âme : Les adieux, 1911. Huile sur toile. 70,5 x 96,2 cm.
— États d’âme : Ceux qui partent, 1911. Huile sur toile, 70,8 x 95,9 cm.
— États d’âme: Ceux qui restent, 1911. Huile sur toile. 70,8 x 95,9 cm.
— La Ville qui monte, 1910-1911. Huile sur toile. 199,3 x 301 cm.
— La Rue entre dans la maison, 1911. Huile sur toile. 100 x 100 cm.
— Visions simultanées, 1911. Huile sur toile. 60,5 x 60,5 cm.
— Le Rire, 1911. Huile sur toile. 110,2 x 145,4 cm.
— Idole moderne, 1910-1911. Huile sur toile. 60 x 58,5 cm.
— Les Forces d’une rue, 1911. Huile sur toile. 99,5 x 80, 5 cm.
— Construction horizontale ou Volumes horizontaux, 1912. Huile sur toile. 95 x 95,5 cm.
— Antigracieux, 1912. Huile sur toile. 80 x 80 cm.
— Le Buveur, 1914. Huile sur toile. 87,5 x 87,5 cm.
— Développement d’une bouteille dans l’espace, 1912. Bronze. 39 x 60 x 30 cm.

Carlo Carrà
— Les Funérailles de l’anarchiste Galli, 1910-1911. Huile sur toile. 198,7 x 259,1 cm.
— Cahots d’un fiacre, 1911. Huile sur toile. 52,3 x 67,1 cm.
— Ce que m’a dit le tram, 1911. Huile sur toile. 52 x 62 cm.
— Le Mouvement du clair de lune, 1910-1911. Huile sur toile. 75 x 70 cm.
— La Sortie de théâtre, 1909. Huile sur toile. 69 x 91 cm.
— Nageuses, 1910-1912. Huile sur toile. 105 x 156 cm.
— La Gare de Milan, 1910-1911. Huile sur toile. 50,5 x 54,5 cm.
— La Femme au café, 1911. Huile sur toile. 67 x 52 cm.

Luigi Russolo
— La Révolte, 1911. Huile sur toile. 150,8 x 230,7 cm.
— Souvenirs d’une nuit, 1911. Huile sur toile. 100,3 x 100,3 cm.

Gino Severini
— La Danse du «pan-pan» au Monico, 1909-1911/1959-1960. Réplique de la peinture originale (1909-1911),
réalisée à Rome par l’artiste en 1959-1960. Huile sur toile. 280 x 400 cm.
— Souvenirs de voyage, 1910-1911. Huile sur toile, 80 x 100 cm.
— Le Chat noir, 1910-1911. Huile sur toile. 54,4 x 73 cm.
— La Danseuse obsédante, 1911. Huile sur toile. 73,5 x 54 cm.
— Danseuses jaunes, vers 1911-1912. Huile sur toile. 45,7 x 61 cm.
— Le Boulevard, 1911. Huile sur toile. 63,5 x 91,5 cm.
— Les Voix de ma chambre, 1911. Huile sur toile. 37,7 x 55,2 cm.
— Nature morte au journal Lacerba, 1913. Encre de Chine, crayon, fusain, gouache et craie sur papier. 50 x 68 cm.
— Portrait de Paul Fort, 1915. Papiers collés sur toile. 81 x 65 cm.

Félix Del Marle
— Auteur en Juillet 1913 du Manifeste futuriste à Montmartre
— Autoportrait, 1913. Craie et fusain sur papier. 64,1 x 49,2 cm.
— Le Port, 1913. Huile sur toile. 81 x 65 cm.
— L’Effort, 1913. Fusain sur papier. 42,2 x 69,8 cm.
— Les Six Jours ou La Patineuse, 1913. Huile sur toile. 81 x 65 cm.
— Les Patineuses, 1913. Fusain sur papier. 54,5 x 44 cm.
— Les Chats, 1913. Fusain et lavis d’encre de Chine sur papier. 49,2 x 76,2 cm.

Robert Delaunay
— La Ville de Paris, 1910-1912. Huile sur toile. 267 x 406 cm.
— L’Équipe de Cardiff (3e représentation), 1912-1913. Huile sur toile. 326 x 208 cm.

Fernand Léger
— La Noce, 1911-1912. Huile sur toile. 257 x 206 cm.

Juan Gris
— Hommage à Pablo Picasso, 1912. Huile sur toile. 93,3 x 73,3 cm.

Jean Metzinger
— Étude pour  Le Cycliste, 1911. Crayon et fusain sur papier beige. 38 x 26 cm.
— Danseuse au café, 1912. Huile sur toile. 146,1 x 114,3 cm.

Albert Gleizes
— Les Joueurs de football, 1912-1913. Huile sur toile. 225,4 x 183 cm.

Sonia Delaunay
— La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, 1913. Texte imprimé sur papier simili Japon, reliure de parchemin peint. Oeuvre dépliée : 199 x 36 cm

Ardengo Soffici
— Lignes et volumes d’une personne, 1912. Huile sur toile. 65 x 48 cm.

Giacomo Balla
— Jeune Fille courant sur le balcon, 1912. Huile sur toile. 125 x 125 cm.

Marcel Duchamp
— Nu descendant l’escalier n° 2, 1912. Huile sur toile. 147 x 89,2 cm.
— Les Joueurs d’échecs, 1911. Huile sur toile. 50 x 61 cm.
— Moulin à café, 1911. Huile et crayon sur carton. 33 x 12,7 cm.

Francis Picabia
— Danses à la source I, 1912. Huile sur toile. 120,5 x 120,6 cm.
— Udnie, 1913. Huile sur toile. 290 x 300 cm.
— Je revois en souvenir ma chère Udnie, [1913]-1914. Huile sur toile. 250,2 x 198,8 cm.

Jacques Villon
— Jeune Femme, 1912. Huile sur toile. 146,2 x 114,3 cm.
— Soldats en marche, 1913. Huile sur toile. 65 x 92 cm.

Raymond Duchamp-Villon
— Le Grand Cheval, 1914/1931. Plâtre original du premier agrandissement à 1 mètre
réalisé sous le contrôle de Jacques Villon en 1930-1931. 101 x 55 x 95 cm.

František Kupka
— Femme cueillant des fleurs, 1909. Pastel sur papier, 42,3 x 39 cm.
— Femme cueillant des fleurs, vers 1909. Pastel, aquarelle et crayon sur papier. 45 x 47,5 cm.
— Femme cueillant des fleurs, 1909-1910. Pastel sur papier gris. 42 x 39 cm
— Femme cueillant des fleurs, 1910-1911. Pastel et fusain sur papier. 48 x 49,5 cm.
— Femme cueillant des fleurs, 1910-1911. Pastel sur papier. 48 x 52 cm

Lioubov Popova
— Étude pour un portrait, 1914-1915. Huile sur carton. 59,5 x 41,6 cm.
— Étude pour Nature morte italienne, 1914-1915. Huile, poussière de marbre, collage sur papier. 59,5 x 41,6 cm.
— Personnage + Air + Espace, 1913. Huile sur toile. 125 x 107 cm.
— Homme voyageant ou Voyageur, 1915. Huile sur toile. 158,5 x 123 cm.

Kasimir Malévitch
— L’Aviateur, 1914. Huile sur toile. 125 x 65 cm.
— Portrait perfectionné d’Ivan Vassiliévich Kliounkov, 1911. Huile sur toile. 111,5 x 70,5 cm.
— Portrait de Mikhaïl V. Matiouchine, 1913. Huile sur toile. 106,6 x 106,6.

Natalia Gontcharova
— Le Cycliste, 1913. Huile sur toile. 79 x 105 cm.
— La Lampe électrique, 1913. Huile sur toile. 105 x 81,5 cm.

Mikhaïl Larionov
— Promenade, Vénus de boulevard, 1912-1913. Huile sur toile. 117 x 87 cm.

Olga Rozanova
— Homme dans la rue (Analyse de volumes), 1913. Huile sur toile. 83 x 61,5 cm.

Alexandra Exter
— Ville la nuit, 1913. Huile sur toile. 88 x 71 cm.
— Florence, 1914-1915. Huile sur toile. 109,6 x 145 cm

Ivan Klioune
— Ventilateur électrique portatif, 1914. Huile sur toile. 75 x 66 cm.

Christopher Richard Wynne Nevinson
— L’Arrivée, vers 1913. Huile sur toile. 76,2 x 63,5 cm.
—  Le Vieux Port, 1913. Huile sur toile. 91,5 x 56 cm.
— Retour aux tranchées, 1914-1915. Huile sur toile. 51,2 x 76,8 cm.
— Explosion d’obus, 1915. Huile sur toile. 76 x 56 cm.

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