ART | CRITIQUE

Lamarche & Ovize. Abstracta/Concreta

PMaxime Thieffine
@21 Jan 2008

Le sol de la galerie Laurent Godin grouille de sculptures anti-monumentales, entre lesquelles le spectateur est invité à slalomer. Fruits de la recherche du couple d’artiste Florentine Lamarche et Alexandre Ovize, ces bricolages abstraits et ludiques sont des combinaisons insolites de matériaux très divers trouvés dans la rue.

Seules les pièces intitulées Poubelle 1 et Poubelle 2 sont exposées sur des socles. Un traitement de faveur qui dénote avec leurs titres et qui propose une réflexion sur les objets laissés-pour-compte, mettant en évidence le pouvoir rédempteur de l’art.

Du bois, de la corde, de la résine, de la brique : les matériaux qui composent ces sculptures sont banals, tantôt bruts, tantôt peints ou laqués. Ils subissent indifféremment le même traitement : abîmés, altérés, ils sont ensuite amalgamés les uns aux autres pour produire des formes abstraites compactes (les Poubelles 1 et 2) ou plus aérées (Sans titre, Plast, et Ballon Kid)

Les sculptures de Lamarche & Ovize jouent avec notre imaginaire ; si certaines d’entre elles restent à nos yeux totalement abstraites, des détails de certains œuvres nous font projeter sur elles des images plus ou moins familières. Ainsi Monsieur Club peut nous évoquer une bestiole courte sur patte, et la corde rose de The Host vs Acme la queue d’une créature fantastique. Pourquoi pas ?

Sans titre (tot.asextur) est composée d’un amalgame de matériaux posé au sol au-dessus duquel est suspendu en équilibre un autre amalgame, grâce à une brique trouée qui fait contrepoids à l’autre bout d’un câble maintenu par une canne sortant du mur. Cet équilibre précaire nous fait redouter une chute à chaque instant.

Dans un jeu avec l’expression «avoir les pieds lourds», Sans titre (Cover) est posée sur des pantoufles dépareillées remplies de béton. On trouve sur cette pièce, entre autres éléments insolites, une clef dans une serrure qui n’ouvre rien.
Cet objet banal et familier est détourné de sa fonction première et devient inutile, il devient un pur élément plastique. Toujours sur la même sculpture, des ronds de bois ont été découpés dans la planche horizontale puis vissés ailleurs sur cette même planche. Ils s’agit ici de déplacer les éléments, de leur donner une nouvelle place au sein de l’œuvre d’art.

Les sculptures sont accompagnées de deux photographies : Belleville (avril 2007) 1 et Belleville (avril 2007) 2. Avec un cadrage identique, elles montrent au premier plan une de leurs sculptures in situ en quelque sorte, qui a pour base un poteau d’une rue parisienne, affublé d’un boa, d’un cintre, d’un choux-fleur et d’un bâton.
A l’arrière plan de la première photographie on voit une passante qui baille, un sac plastique dans une main, une cigarette au bout des doigts de l’autre, et à l’arrière-plan de la seconde, un homme et une femme se dirigent dans la direction opposée. Ces deux photographies se répondent, mais leur séparation de plusieurs mètres empêche leur comparaison directe.

Lamarche & Ovize ne conçoivent pas leurs expositions comme la clôture d’un chapitre de leur travail. Elles sont un temps d’arrêt dans le flux continu d’une recherche qui accepte la possibilité de l’échec et de la chute, en tant qu’éléments indispensables à sa dynamique.
Qu’elle se manifeste en un détournement des objets de leur fonction première, en une association insolite de matériaux plastiques, en une expérience sur l’équilibre ou encore en un déplacement d’éléments, leur recherche consiste à tenter de dépasser « les difficultés [qui] commencent quand vous comprenez ce que l’âme ne permettra pas à la main de faire », comme l’affirmait Mallarmé, que Florentine Lamarche aime à citer.

Lamarche & Ovize
— Monsieur Club, 2008. Bois, polystyrène, béton, gouache, roulettes. 100 x 60 x 30 cm
— Belleville (avril 2007) 1, 2008. Photographie numérique sur diasec. 100 x 70 cm
— Sans titre (tot.asextur), 2008. Tôle, brique, câble, bois, céramique, résine. 250 x 100 cm (50 x 80 cm pour chaque élément)
— Poubelle 1, 2008. Technique mixte. 30 x 30 x 30 cm
— Belleville (avril 2007) 2, 2008. Photographie numérique sur diasec. 100 x 70 cm
— Sans titre (Cover), 2008. Bois, pantoufle, béton, acrylique, peinture murale. 70 x 45 x 140 cm (sculpture), peinture murale. Dimensions variables.
— The Host vs Acme, 2008. Bois, corde, poignée, plexiglas, aérosol. 100 x 75 x 100 cm
— Balloon Kid, 2008, bois, moquette, béton, plâtre, aérosol. Dimensions variables.
— Poubelle 2, 2008, technique mixte. 40 x 30 x 30 cm
— Sans titre (Queequeg), 2008, bois, paillasson, gouache, aluminium. 47 x 34 x 110 cm
— Sans titre (Plast), 2008, médium, sérigraphie, gouache. 120 x 130 x 130 cm
— Smoking Kool – L’inconnu, 2008, diptyque – photographies numériques sur diasec. 40 x 30 cm

AUTRES EVENEMENTS ART