ART | EXPO

La voix du traducteur

30 Jan - 03 Mai 2015
Vernissage le 29 Jan 2015

Lieu de rencontre et de friction entre les langues, la traduction porte en elle des relations de pouvoir. Elle ne renvoie plus seulement à une profession ou à une activité, elle représente la condition humaine. Regroupant des artistes d’horizons différents, l’exposition est une invitation à voir et à penser la place de la traduction à l’heure de la mondialisation.

Sylvie Boisseau & Frank Westermeyer, Erik Bünger, Luis Camnitzer, Rainer Ganahl, Dora García, Joseph Grigely, Susan Hiller, Christoph Keller, Fabrice Samyn, Zineb Sedira, Mladen Stilinović, Nicoline van Harskamp, Ingrid Wildi Merino
La voix du traducteur

Sommes-nous tous des traducteurs en puissance? C’est l’hypothèse qu’émet cette exposition imaginée par le jeune curateur suisse Martin Waldmeier. Les œuvres de treize artistes de générations et d’horizons différents y tissent un parcours qui donne à voir et à penser la place de la traduction à l’heure de la mondialisation.

Hégémonique, officiel, minoritaire ou en voie de disparition, le statut de chaque langue l’inscrit au cœur d’enjeux culturels, identitaires, politiques et économiques. Lieu de rencontre et de friction entre les langues, la traduction porte en elle ces relations de pouvoir. La traduction est ici conçue dans un sens large. Elle englobe toutes les tentatives de communication dans une langue qui n’est pas la nôtre, que celle-ci soit maîtrisée, baragouinée ou fortement accentuée. La langue du futur émergera-t-elle de ce métissage?

«“Au commencement était… la traduction”. Pour le poète et traducteur finnois Leevi Lehto, la traduction est le véritable fondement de toute culture. Langages et cultures sont reliés par des flux incessants qui leur permettent de croître et d’évoluer dans le temps. Grâce à la traduction, ce qui nous est étranger devient compréhensible. L’autre pénètre ainsi dans notre monde et, en retour, notre point de vue change et s’élargit.

Regroupant des artistes d’horizons différents, l’exposition “La Voix du traducteur” est une invitation à réfléchir ensemble à la question de la traduction dans un présent globalisé. Aujourd’hui, les traductions sont omniprésentes: elles facilitent le commerce international, assurent les négociations diplomatiques, participent à la diffusion quotidienne de l’information, permettent les communications en ligne entre pays et continents, nous initient aux productions cinématographiques et littéraires étrangères. Elles nous donnent accès à la connaissance du monde… Le rythme et l’intensité de la communication et de la circulation à l’échelle du globe s’accélèrent et le besoin de traduction s’intensifie.

La traduction n’est pas un phénomène nouveau, malgré la mondialisation. Les confrontations entre cultures ont toujours nécessité la présence d’un traducteur. Au cours de l’histoire moderne, ces rencontres se sont souvent tenues sur un mode qui n’était ni égalitaire ni pacifique. Aujourd’hui, l’anglais est de plus en plus perçu comme une langue hégémonique et critiqué car il supplante des langues minoritaires et vernaculaires. Sa puissance est néanmoins précédée par des siècles de colonialisme(s) et d’impérialisme(s) qui ont imposé avant lui leurs propres langues aux peuples dominés, supprimant systématiquement ainsi les cultures locales.

Si l’on veut affirmer qu’au commencement était la traduction, on doit naturellement aussi reconnaître que, dès ses débuts, la traduction a été un lieu de relations de pouvoir entre colonisateurs/colonisés, centres/périphéries, cultures minoritaires/empires. Ces relations persistent encore aujourd’hui, mais sous d’autres formes.

Le titre “La Voix du traducteur” propose deux axes de réflexion. D’une part, il rend visible l’activité du traducteur, et fait entendre sa voix. En la replaçant au centre de la scène, il reconnaît qu’elle est une source de connaissance privilégiée sur la nature des diversités culturelles et sur les différentes façons d’exprimer une identité à travers le langage. D’autre part, il fait du traducteur une métaphore critique de la situation linguistique propre à la mondialisation et à l’ère post-coloniale: nécessité croissante d’apprendre des langues étrangères (avec ses joies et ses peines); multilinguisme volontaire et involontaire des migrants; cultures hybrides et multitude des accents présents dans l’expression et l’expérience du monde.

La traduction ne renvoie plus seulement à une profession ou à une activité. Elle représente la condition humaine. Et de plus en plus souvent: le traducteur, c’est nous…»
Martin Waldmeier

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