ART | CRITIQUE

La Superforme ou le retour de la langue

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

A trente ans, Myriam Mechita a un univers bien à elle, fait de paillettes et de perles de verre. Mais derrière le médium séduisant, se cachent des thèmes sombres et angoissants, où se consument nos folles espérances.

A l’entrée de la galerie, on est accueilli par deux chevreuils bondissant : Les Humeurs noires et No future. Fins, élancés, ils sont comme parsemés d’une multitude de petites boules couleur mercure. Ce sont des moulages, de ceux que les taxidermistes utilisent aujourd’hui, recouverts de billes de verres épinglées dans la structure. Un peu plus loin, deux lièvres habillés d’un même manteau d’argent semblent faire le guet autour d’une table en bois retournée sur le sol, ce sont Les Gardiens. Mais que gardent-ils ? l’un a la tête encapuchonnée et l’autre n’a pas d’yeux.

Imposantes par leur taille et leurs couleurs chatoyantes, deux grandes tapisseries dont les motifs sont dessinés à l’aide de milliers de paillettes sont d’autres sculptures où les formes se répètent et multiplient l’espace de la surface. Chacune figure un homme aux habits moyenâgeux, décapité. De la base de leur cou, des lignes semblables à des outils de mesure se déploient. Comme piquées dans les corps, elles rappellent les supports de moulage des animaux que l’artiste laisse apparents sur ses sculptures, donnant l’impression de pantins désarticulés.

Myriam Mechita aime ce qui brille. Un univers de fantaisie qui se rapproche de l’esprit macabre du carnaval. Hommes sans tête aux costumes pailletés, animaux claustrés dans un manteau de perles sombres, visages dessinés à l’aide de trous réalisés à même le mur gris, vanités à l’humour funèbre révèlent un univers sombre qui se moque des misères humaines.

Son regard semble traverser les âges, entremêlant dans un même geste l’iconographie moyenâgeuse, les vanités de la peinture classique et la conception d’installations sur le mode contemporain. Les murs de la galerie obscurcis de peinture grise participent à cette impression d’être hors du temps.

Et les sujets, figés dans la représentation, contrastent avec le geste de l’artiste qui se répète à l’infini pour créer ces sculptures recouvertes de perles de verre et ces tapisseries brodées de paillettes. Dans ce temps immobile, se détachent des œuvres flamboyantes où se consument les espérances de la vie. Et si les œuvres de Myriam Mechita étaient de celles qui nous attirent pour mieux nous atteindre sans que l’on sache bien pourquoi ?

Myriam Mechita
— Les Humeurs noires, 2005. Perles sur âme en polyuréthane. 110 x 132 x 42 cm.
— 26 mai 1989, 2005. Corail. 10 x 54,5 x 42,5 cm.
— L’intérêt des cris, 2005. Techniques mixtes. 38 x 24,5 cm.
— No Future, 2005. Perles de verre sur âme en polyuréthane. 170 x 156 x 64 cm.
— La Décapitation mesurée, 2005. Paillettes brodées sur tissu. 152 x 135 cm.
— La Décapitation calibrée, 2005. Paillettes brodées sur tissu. 146 x 206 cm.
— Un tiers de refonte, 2005. Fonte d’aluminium. 49 x 60 x 20 cm.
— mm 03061974 ou la lumière noire, 2005. Dessin mural. 144 x 85 cm.
— Une demi peine, 2005. Fonte d’aluminium. 32 x 25 x 15 cm.
— Mercure double, 2005. Techniques mixtes. 16 x 12 x 20 cm.
— Les Gardiens, 2005. Techniques mixtes. 142 x 110 x 73 cm.

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