ÉCHOS
28 Nov 2014

La polémique «Exhibit B»: le théâtre Gérard Philippe et le CentQuatre face à la violence des protestations

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La pièce de Brett Bailey, Exhit B, un «zoo humain» de type colonial dénonçant la violence de la traite humaine et du racisme, est au cœur d’une polémique grandissante. Des manifestations, organisées devant le Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, montrent la virulence des opposants qui invoquent la lutte anti-raciste pour censurer la création.

Alors que le Théâtre Gérard Philippe programmait Exhibit B hier soir, jeudi 27 novembre, quelques dizaines de protestants sont parvenues à faire annuler la représentation. La manifestation a en effet connu des débordements, provoquant des dégâts matériels de nature à convaincre la direction du théâtre de déprogrammer la représentation du jour. Aujourd’hui encore, vendredi 28 octobre, malgré une présence policière renforcée (ou peut-être à cause de cela), les violences ont redoublé à l’entrée du centre culturel, les manifestants tentant de doubler l’opération de censure de la veille.

Militant pour la plupart pour la lutte contre le racisme, les manifestants considèrent la pièce, on le rappelle, comme humiliante, non efficace et contre-productive, d’autant plus ambiguë dans un climat social particulièrement tendu. Scandant des slogans et interpellant les spectateurs, ils en appellent à la dignité de la mémoire des populations africaines colonisées mais encore à la reconnaissance d’une plus grande légitimité des auteurs noirs à traiter de la problématique. Pour la plupart, aucun d‘entre eux n’a vu la pièce et ne connaît réellement son contenu. A l’inverse des personnalités comme Lilian Thuram ou des représentants de la Ligue des Droits de l’Homme se sont désolidarisés de telles initiatives, soutenant la liberté de création.

Qu’un spectacle comme Exhibit B rencontre ces oppositions et suscite des polémiques n’est en soi pas étonnant, mais rien ne saurait justifier le recours à la violence et aux campagnes de désinformation qui accompagnent le débat. L’accusation de «racisme déguisé», faisant passer l’œuvre de Brett Baileys pour celle d’un blanc dominant postcolonisateur, est particulièrement infondée et injuste. Faire croire que le dramaturge se délecte de la posture de faiblesse des performeurs noirs relève d’une lecture superficielle et manquée du dispositif. Il suffit de consulter son œuvre depuis les années 1990 pour reconnaître son engagement militant pour la reconnaissance des cultures noires à travers le monde et la sensibilisation à leur histoire. Ces amalgames nuisent fortement à une cause qui semble pourtant défendue unanimement par les deux camps.

Contre tout communautarisme exclusif, voire intégriste, les directions du théâtre Gérard Philippe et du Centquatre-Paris ont tenu une conférence de presse dans laquelle il réaffirme leur volonté de présenter la pièce. Balayant toute possibilité d’amalgame, elles invoquent le droit à la liberté d’expression et demandent aux opposants de prendre leurs responsabilités, afin de mener le débat dans les meilleures conditions possibles.

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