ART | CRITIQUE

La Masse grave.

PMaxime Thieffine
@09 Sep 2007

Avec sa nouvelle exposition «La masse grave», où il présente trois sculptures, Daniel Firman poursuit son exploration de l’inéluctable verticalité de l’apesanteur. Selon une esthétique et une démarche minimalistes.

Par Lison Noël

La nouvelle exposition «La masse grave» de Daniel Firman est dans la lignée de ses travaux récents. Des Suspensions, des mannequins suspendus dans le vide paraissant avoir été retenus in extremis dans leur chute, aux trois sculptures de l’exposition, l’artiste français poursuit son exploration de l’inéluctable verticalité de l’apesanteur.

Plus de figuration toutefois pour cette exposition, les trois sculptures présentées se rapprochent sensiblement de l’esthétique et de la démarche minimalistes. Par la grande dimension des œuvres notamment, qui amène le spectateur à se confronter à elles et à comparer leur taille et la sienne propre.

La première pièce intitulée -8, est constituée de deux congélateurs. Le premier paraît être tombé lourdement sur le second, le détériorant considérablement. La seconde pièce, P – E 07 est une surface noire, policée et réfléchissante, brisée en trois parties. La troisième pièce, pp(p) #1, imite un arbre dont les branches seraient remplacées par des néons blancs. Le mouvement d’élévation naturel de l’arbre est contredit par la chute d’une de ses branches qui gît au sol, morte, qui reste «à la masse».

La masse se décompose en masse inerte et en «masse grave». Le fait de se concentrer sur cette dernière est révélateur d’une attirance de Daniel Firman pour l’énergie, le mouvement, en particulier le mouvement de la chute. Gageons également que l’adjectif «grave» évoque le sérieux, l’implacable. On pense à la voix grave, la voix qui tombe. On pense également, bien sûr, à la «gravité» telle que Newton en fit l’expérience. Il faut noter sans doute que le mot «grave» signifie «tombe» en anglais, et souligner enfin la proximité bienvenue et purement homonymique avec le verbe tomber en français.

Daniel Firman s’intéresse au potentiel destructeur de la masse, les trois œuvres qu’il présente sont détériorées. Le congélateur a le couvercle défoncé, la surface noire est brisée et l’arbre à néons a perdu une de ses branches. «La masse grave» n’est composée que de pièces abîmées, destinées logiquement au rebut. L’art se pare ici de ses atours rédempteurs.

La masse est invisible, elle ne se montre que grâce à ses effets. Les œuvres de «La masse grave» sont le résultat du mouvement soumis à l’apesanteur qu’est la chute, qui aboutit inévitablement à un choc. Le spectateur ne voit que le résultat, mais il ne peut que s’imaginer le mouvement qui a précédé cet état.
Les œuvres de Daniel Firman sont donc inévitablement tournées vers un passé immédiat. Bien que conscient que les sculptures qu’il observe ont été conçues dans un passé bien plus lointain, chaque spectateur se représente la chute dont il voit le résultat comme venant juste d’avoir lieu, dans une sorte d’actualisation permanente du passé immédiat.
Les Å“uvres n’existent pas dans leur intégralité sans la représentation que se fait le spectateur de la chute, elles ont donc besoin du spectateur et l’attendent pour s’accomplir. Ceci est doublement vrai pour P – E 07 : en tant que surface réfléchissante, elle reflète et prend en compte son environnement, y compris le spectateur qui se trouve devant à elle.
Les sculptures exposées dans «La masse grave» trouvent alors une nouvelle parenté avec les œuvres minimalistes qui attendent leurs spectateurs pour exister dans le mode théâtral qui les caractérise.

Daniel Firman
— -8, 2007. Congélateurs. 156 x 156 x 156 cm.
— P – E 07, 2007. Acier laqué, néons. 270 x 220 x 180 cm.
— pp(p) #1, 2007. Verre laqué sur châssis aluminium. 208 x 280 cm.

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