DANSE | CRITIQUE

La Belle

PNicolas Villodre
@20 Nov 2009

Qui, de la Belle ou du bois, est dormant ? C’est que ça compte, une virgule dans un titre de conte. Qui est en train de ronfler ? Pas les danseurs, tout de même ? Le public, alors ? Notre voisin de gauche, en tout cas.

Par modestie, sans doute, la barre n’est pas placée bien haut. Ce qui est dommage. On a fait le déplacement pour assister à une chose artistique. Pas pour voir le défilé. Or, on a droit à un show de variété, rétro qui plus est, à un musical vite ficelé et en un tournemain filé à l’anglaise – les moyens de production en moins –, rythmé par une structure monotone à base de collage sonore pour corps de ballet du concours de l’Eurovision. Et dire que certains, et non des moindres, prennent ces ballades melliflues pour du rock !

Certes, le tout fonctionne. Le décor, d’abord. Les feux de la rampe d’une dizaine de chandelles rappellent ceux du théâtre à l’italienne à son apogée baroque ; par intermittence, une soixantaine de bulbes électriques (rappelant vaguement la déco boltanskienne du Saut de l’ange de Dominique Bagouet) soulignent l’avant-scène et complètent ces fausses bougies ; on a également droit au « petit théâtre » dans le théâtre, comme chez Bertolt Brecht ou chez le fils Renoir, avec un spacieux paddock convertible en tréteaux de commedia dell’arte, en plateau de music-hall ou en ring de boxe (cf. KOK de Chopinot). Les effets vidéo, on connaissait déjà (cf. Tompkins-Riolon, Decouflé-Rada, Montalvo-Minet), mais le dosage est parfait et il convient de noter que l’image n’avale pas tout le reste.

L’interprétation, les danseurs sont excellents. On ne peut qu’être sensible à la belle Axelle Lagier, pleinement mise en valeur par les exercices de réanimation (certes un peu longuets, certes sans suite chorégraphique dans les idées, certes mieux exploités ailleurs, ne serait-ce que par Karine Saporta et sa gestuelle mécanique) du prince Mathieu Calmelet, qui surjoue de façon convaincante son rôle de porteur, vers la fin de la pièce. Ou au duo inaugural du couple royal formé par l’expressive Christelle Gasiglia et le barbu du moment Bruno Sajous.

Comme on pouvait s’y attendre, Vanessa Le Mat est, une nouvelle fois, remarquable. Le rôle de sorcière semble convenir à la jeune femme. Chacune de ses apparitions et interventions est juste. Sa gamme est, il faut dire, assez étendue puisqu’elle paraît à l’aise dans la pantomime minaudière comme dans la gestuelle grotesque, dans la scène d’allumage, d’étalage et d’effeuillage (en fin de compte bien trop sage), avec son comparse danseur-voyeur-vidéomane, comme dans la scène (très kitsch) du combat d’art plus ou moins martial.

Une heure de ce karaoké-là, ce n’est pas si terrible après tout.

— Direction artistique et chorégraphie : Nasser Martin-Gousset
— Lumière : Pascal Merat
— Son : Djengo Hartlap
— Costumes : Sophie Hampe
— Scénographie, décor : Goury
— Régie générale : Olivier Mendili / Les Items Associés
— Avec : Mathieu Calmelet, Axelle Lagier, Bruno Sajous, Christelle Gasiglia, Vanessa Le Mat

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