DANSE | SPECTACLE

Japonismes | Is it worth to save us?

18 Déc - 20 Déc 2018

Avec Is it worth to save us?, la chorégraphe  Kaori Ito livre un duo autour des notions de fusion et de distance. Prendre du recul pour observer et juger. Ou plonger la tête la première dans une relation, dans le feu de l'action... Une pièce vive, librement adaptée d'une nouvelle de Yukio Mishima.

Après une trilogie autour de l’amour, la chorégraphe japonaise Kaori Ito présente Is it worth to save us? (2018) [Cela vaut-il la peine de nous sauver ?]. Un duo chorégraphique qu’elle interprète avec l’acteur japonais Miraï Moriyama. Attachée à la distance entre les corps, par son travail Kaori Ito décortique les modalités de rapprochement et d’éloignement. Comme en sociologique la notion de ‘proxémie’ désigne la distance culturellement admissible entre les personnes (parents, conjoints, amis, connaissances, inconnus…). Et de la fusion à l’éloignement, Kaori Ito chorégraphie ces rapports toujours mouvants. Pour Is it worth to save us?, la trame se noue autour d’une nouvelle du sulfureux Yukio Mishima. Dans Une belle planète (Utsukushii Hoshii, 1962), tous les membres d’une famille pensent être des extra-terrestres. Tous venus d’une planète différente. La fille de Vénus… Le père de Mars… Jusqu’à ce qu’ils rencontrent des extra-terrestres venus détruire la Terre.

Is it worth to save us? de Kaori Ito : un duo d’après une nouvelle de Yukio Mishima

Trame narrative, Une belle planète explore les contradictions humaines. Avec notamment cette question de savoir ce qui mérite, ou non, d’être sauvé. Exercice de distanciation infinie, se sentir extra-terrestre, y compris avec des personnes très proches, relève autant de l’éloignement que du désir de fusion. Duo interprété avec Miraï Moriyama, Is it worth to save us? joue sur les affinités fusionnelles et les distances infranchissables. Il y a déjà les distances culturelles, pour deux interprètes ayant des trajectoires semblables et différentes. Miraï Moriyama vit au Japon, avec sa famille japonaise. Kaori Ito vit en France, avec sa famille française. Et pourtant quelque chose les relie. Une complicité culturelle qui est aussi un éloignement. Ensuite, il y a ce trouble de soi à soi. Se sentir étranger à soi-même. À côté. Entre imposture et position d’observateur. Soit une sensation capable de nouer des liens plutôt forts entre ceux qui l’éprouvent.

Kaori Ito et Miraï Moriyama : la danse pour trouver la bonne distance, la distance viable

Kaori Ito et Miraï Moriyama ont également en partage l’androgynie. Comme une façon d’abolir en soi les distances, d’être seul et plusieurs dans un même corps. Diplômée de sociologie, le travail sur la distance de Kaori Ito peut aussi évoquer, éventuellement, la question de l’observation participante. Et jonglant entre les basculements, Is it worth to save us? souffle le chaud et le froid, de la familiarité à l’étrangeté. Tantôt les deux interprètes s’accrochent ; tantôt ils se détachent. Comme le note Kaori Ito, ce rapport d’étrange étrangeté peut aussi s’étendre à un pays. « Le Japon peut être un méchant problème autant que gentil et doux. On est japonais et on ne l’est plus deux secondes après. » La distance entre humains ou pays ; la distance avec toute une espèce… Cela vaut-il vraiment la peine de nous sauver ? Petit procès entre amis, où la danse fera peut-être basculer la réponse vers un oui.

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