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Jean-Paul Mauny. Utopiques roses

Des parallélépipèdes roses déformés qui ne gardent de leur géométrisme minimal primordial que l’apparence. Scupltés ou peints, ils se déploient dans l’espace, comme doués de vie propre. Un travail centré sur l’apparence et l’illusion, dans lequel les formes mathématiques les plus réalistes et les plus logiques deviennent imaginaires et irréelles.

— Éditeur : Le 19, Montbéliard
— Année : 2004
— Format : 20 x 20 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-91-0026-70-1
— Prix : 4 €

Jean-Paul Mauny ou le minimalisme contaminé
par Barbara Puthomme (extrait)

Les dernières toiles, ici présentées, réitèrent la proposition d’un espace illusionniste. Mais contrairement au travail antérieur, où les formes peintes étaient identifiables (on pouvait en effet reconnaître des parallélépipèdes roses déformés flottant dans l’espace et même y voir la représentation de paysages utopiques), ici, l’artiste cherche à casser toute illusion d’ordre réaliste. En conséquence, la valeur expressionniste qu’on pouvait parfois repérer dans certaines de ses toiles est ici complètement occultée.

Pour cela, l’artiste a recours au morcellement. Le parallélépipède (ou les parallélépipèdes, lorsqu’il s’agit de figurer un couple) n’est pas peint dans son ensemble sur la même toile. Le morceau manquant apparaît sur une toile séparée, qui est à la fois autonome et dépendante (ou complémentaire) de la précédente, selon la disposition choisie par l’artiste. Il s’agit de défaire, de couper et de séparer, pour ensuite recomposer les différentes parties, à la manière d’un puzzle. Une autre façon de morceler consiste dans l’emprunt du procédé photographique. Chacune des toiles d’une même série propose le même objet selon des plans différents. Cette variation de plans crée des espaces illusionnistes divers et modifie complètement la perception de l’objet, à tel point que celui-ci disparaît quasiment pour laisser place à un espace rose «informe», où la dialectique fond/forme tend à une synthèse. C’est aussi la nature même de l’objet peint qui est transformée. Les arêtes saillantes du parallélépipède se métamorphosent en un espace ouvert. Ce qui était convexe devient concave.

Néanmoins, ces procédés de morcellement, qui cassent les formes et dénient toute tentation expressive, n’entame en rien la fonction illusionniste des toiles présentées. Celle-ci est simplement déplacée. L’effet créé est autre, mais il s’agit toujours de faire illusion, précisément en en jouant.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du 19, centre régional d’art contemporain de Montbéliard)

L’artiste
Jean-Paul Mauny est né en 1947 à Saint-Brieuc, France. Il vit et travaille à Recologne-lès-Ray, France.

L’auteur
Barbara Puthomme est professeur de philosophie à l’université de Franche-Comté. Elle est l’auteur de Le Rien profond. Pour une lecture bachelardienne de l’art contemporain (L’Harmattan, 2003).