DESIGN | EXPO

Japonométries

09 Avr - 04 Juil 2015
Vernissage le 09 Avr 2015

Pour la première exposition française consacrée au travail de Rasmus Fenhann, la galerie Maria Wettergren présente une douzaine de pièces inédites, mobilisant deux inspirations fortes du designer danois — l’esthétique géométrique et la culture japonaise — dévoilant un style entre pureté, répétition et simplicité.

Communiqué de presse
Rasmus Fehann

Japonométries

«La mathématique est l’alphabet dans lequel Dieu a écrit l’Univers» (Galilée)

La Galerie Maria Wettergren propose la première exposition solo en France du designer danois Rasmus Fenhann, intitulée Japonométrie. Ce néologisme proposé par l’artiste désigne les deux grandes sources d’inspiration de ce créateur à la fois maître ébéniste (1996), diplômé de l’École de Design du Danemark (2003), et apprenti de Nanna Ditzel (2003-2005): Le Japon et la géométrie.

A travers les douze nouvelles œuvres, réalisées spécialement pour la galerie Maria Wettergren, Rasmus Fenhann explore les méandres de l’univers géométrique dans ses petites tables et luminaires, magistralement sculptés dans des bois nobles, qui évoquent en effet une synthèse entre l’esprit japonais et la beauté mathématique.

La finition perfectionnée dont témoignent ces pièces est moins le reflet d’un goût du luxe chez le jeune designer danois que l’expression d’une dimension spirituelle. En 2001 et en 2003, il parcourt le Japon et accomplit divers apprentissages auprès des maîtres ébénistes japonais de renommé tels que Kohseki et Chuzo Tozawa. Depuis, tout ce que Fenhann entreprend a une relation avec le Japon.

Ce qui a profondément inspiré Rasmus Fenhann dans l’esthétique japonaise, c’est la simplicité, la répétition, la pureté. Il s’agit d’une beauté épurée et essentielle d’une grande dimension spirituelle. Car dans l’esthétique japonaise, il n’y a pas de séparation entre la main et l’esprit, et l’extraordinaire effort soutenu, à la fois mental et physique, dans la réalisation minutieuse de ses pièces, est palpable. Effort et plaisir. Car l’exercice est artistique et expérimental, comme en témoigne par exemple l’oeuvre Magnetic, une table-sculpture composée de douze cubes identiques en noyer permettant une transformation ad libitum par un système d’aimants. Le bois satiné est religieusement travaillé et demande d’être touché. Le côté tactile est en effet une caractéristique essentielle de son travail.

Les œuvres de Rasmus Fenhann sont rares. Refusant l’industrialisation dans la création, l’artiste exerce son activité d’une façon totalement libre, sans contraintes et compromis. S’il refuse l’idée même d’un assistant, en réalisant lui-même toutes ses œuvres, c’est parce qu’il s’agit d’une activité difficilement transmissible. Premièrement à cause de l’esprit japonais aristocratique du travail bien fait, du Sashimono qui se traduit par de l’ébénisterie délicate faite main. La main est guidée par un esprit unique, et le travail ne se délègue pas, comme il est de nature spirituel et personnel. Deuxièmement parce que Fenhann est à la recherche de choses inédites, et cela dans un domaine traditionnellement éloigné du monde de l’artisanat – celui des nouvelles technologies.

La beauté parfaite de certaines formes géométriques se trouvant dans la nature a fasciné l’homme depuis l’Antiquité, et pour Fenhann aussi, elle représente une source inépuisable de formes à la fois complexes et harmonieuses. A travers des logiciels informatiques, il a pu moduler des formes géométriques à l’infini, dévoilant ainsi l’immesurable richesse mathématique de la nature. Il s’est concentré sur les formes polyèdres à cause de leurs proportions à la fois harmonieuses et résistantes. Le polyèdre lui a permis de créer des structures extrêmement fines, seulement 1,8 millimètre d’épaisseur, pour ses luminaires en pin d’Oregon laqué et papier Shoji, intitulés Hikari (lumière en japonais). Ces lampes poétiques à la lumière douce, réalisées par le pliage du bois stratifié à la façon d’un origami, portent l’empreinte poétique de la formation japonaise de Fenhann. Une première exposition leur fut d’ailleurs dédiée au Musée des Arts Décoratifs de Copenhague en 2005. Comme les lampes Hikari, la petite table Kubo est basée sur la même géométrie et forme un hommage direct au Polyèdre de Leonardo da Vinci, telle qu’elle fut illustrée dans le Divina Proportione de Luca Pacioli (Venise, 1506).

L’hommage à Leonardo da Vinci n’est pas fortuit. En proposant un dialogue entre la main et la machine, entre l’ébénisterie japonaise ancestrale et les nouvelles technologies, tels que les logiciels informatiques et la machine CNC, Fenhann mène une recherche interdisciplinaire, où la technique reste au centre de ses interrogations, rappelant ainsi l’Homme de la Renaissance. Le grec technê signifie «art, artifice» ; il est apparenté à tektôn, qui signifie menuisier. L’idée fondamentale est que le bois est un matériau brut auquel l’artiste, le technicien confère une forme, contraignant ainsi la Forme en tant que principe à se manifester. L’équivalent latin de technê est ars, dont le sens premier est «savoir-faire, habilité, astuce».

Chez Leonardo da Vinci, la technique et l’art coexistent d’une façon sublime, mais depuis la renaissance ce lien privilégié a souvent été rompu, comme l’a signalé Vilèm Flusser dans son livre Petite philosophie du design: «Les mots design, machine, technique, art et savoir-faire artisanal entretiennent un rapport étroit, chacune de ces notions est impensable sans les autres, et toutes procèdent d’une seule et même attitude existentielle en face du monde…La culture bourgeoise moderne a établi une opposition radicale entre le monde des arts et celui de la technique et des machines, ce qui a divisé la culture en deux domaines devenus étrangers l’un à l’autre: le «dur», celui de la science, de la quantification, et le «mou», celui de la qualification, des lettres et des arts.»

C’est le design, selon Vilèm Flusser, qui a jeté un pont entre les deux, et pour citer l’auteur: «S’il a pu le faire, c’est parce qu’il manifeste le rapport intime entre la technique et l’art. C’est pourquoi ce mot désigne aujourd’hui approximativement le point où l’art et la technique (et par conséquent la pensée scientifique, celle qui fixe l’échelle des valeurs) en viennent à se recouvrir pour ouvrir la voie vers une nouvelle culture.»

C’est du design dans un esprit Renaissance dont il s’agit chez Rasmus Fenhann. A travers le langage intemporel de la géométrie pure, son œuvre contribue effectivement à la réconciliation de la technique et de l’art, de la tradition et de l’innovation, et ouvre ainsi la voie vers de nouveaux dialogues interdisciplinaires entre les sciences, l’artisanat et l’art.

Informations
Galerie Maria Wettergren (Paris)
Du 09 avril au 04 juillet 2015

Vernissage le jeudi 09 avril, à partir de 18h

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