ART | CRITIQUE

Indian Focus

PMaxime Thieffine
@29 Juin 2008

L’espace du collectionneur Claude Berri, ouvert en mars dernier, nous emmène avec cette deuxième exposition à la rencontre de la jeune scène artistique indienne. Les œuvres de cinq artistes, dont le déjà reconnu Subodh Gupta, sont regroupées autour d’un dialogue entre tradition et modernité.

Des centaines de bindis, ces marques qui ornent le front des femmes indiennes, composent le tableau abstrait Smack down Raw de Bharti Kher. L’artiste fait de cet accessoire féminin traditionnel un matériau artistique pour aborder la question du féminisme en Inde et pour rendre hommage à des centaines d’Indiennes. Mais dans un contexte européen, cet attribut emblématique peut apparaître comme pittoresque, à la limite du cliché, et l’œuvre Smack down Raw jouer sur les attentes du spectateur.

Empreints de l’exubérance du «style indien», les assemblages kitsch de Rina Banerjee viennent appuyer cette réflexion. La très esthétique Tropicalization of nature, Henri Rousseau restraint ainsi que With Tinsel and Teeth, Gem and Germs Get Back, Get Back Where You One Belong To affirment avec force leur identité tout en révélant l’indéniable talent de composition de l’artiste.

Proche du quotidien des castes inférieures, Suboh Gupta rassemble des centaines de pinces en inox peintes en noir pour constituer une sculpture au titre mystérieux Black Thing qui semble prête à se mouvoir. Fidèle à sa volonté de s’inspirer de choses très courantes, l’artiste utilise une nouvelle fois des ustensiles de cuisine et navigue entre prosaïsme et spiritualité: «Pour moi, [la cuisine] est un endroit chargé de spiritualité», déclare-t-il.

Les deux derniers artistes de l’exposition témoignent, de façon plus directement politique, d’une réalité peu glorieuse. Hema Upadhyay présente une grande maquette de bidonville (7,60  x  4,60 m) faite de matériaux trouvés — bois, aluminium, morceaux de tuyaux, carrosserie de voitures —  assemblés sans artifice. Les punaises et le scotch sont visibles sur toute la structure et renvoient à la précarité de ces constructions. Loin de tout misérabiliste, l’artiste se focalise sur l’espoir qui peuple ces habitations en principe provisoires comme en témoigne le titre Dream a Wish, Wish a Dream.

Le cadet de ces artistes, Valey Shende, met en scène une réalité citadine. Flower Child est une installation composée d’une vidéo qui s’inspire des enfants des rues vendeurs de petits objets aux automobilistes, et d’une sculpture de petite fille en pièces de monnaie qui tient une rose à la main. Ces éléments interagissent grâce à l’ombre de la sculpture qui s’absorbe dans la vidéo.

Sans parti pris affiché, «Indian Focus» constitue ainsi un panorama restreint de la production indienne contemporaine, et un aperçu de la société indienne où la culture flamboyante côtoie la misère des castes inférieures.

Rina Banerjee
— Greed, when she came she suched all…, 2006. Peinture sur papier. 57 x 76,5 cm.
— Tropicalization of nature, Henri Rousseau restraint, 2007. Installation, techniques mixtes. 122 x 84 x 76 cm.
— Native siren, 2007 . Tecniques mixtes. 142,2 x 81,2 cm.
— With Tinsel And Teeth, Gem And Germs Get Back, Get Back Where You One Belong To, 2006. Installation, techniques mixtes. 337 x 107 x 90 cm.

Subodh Gupta
— Idol Thief I, 2007. Huile sur toile. 128 x 229 cm.
— Idol Thief II, 2007. Huile sur toile. 168 x 229 cm.
— Black Thing, 2007. Sculpture en acier inoxydable, plastique et pinces en aluminium peintes. 230 x 60 x 220 cm.

Bharti Kher
Smack down Raw, 2006. Bindis sur plaques d’aluminium. 256 x 134 cm.

Valay Shende
Flower Child, 2006. Installation, métal et vidéo. Hauteur 139 cm.

Hema Upadhyay
Dream a wish wish a dream, 2006. Installation, technique mixtes. 760 x 460 cm.

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