ART | EXPO

Impermanence

15 Mai - 30 Juin 2014
Vernissage le 15 Mai 2014

L’artiste s’essaie à tous les matériaux: cire, bois, métal ou latex lui permettent des transformations infinies. Son ambition est d'inverser le rapport entre le naturel et l'artificiel mais, refusant de copier la nature, il s'applique à en détourner l'apparence et à provoquer des mutations parfaitement artificielles.

Wolfgang Stiller
Impermanence

Wolfgang Stiller se vit comme un alchimiste des temps modernes, un scientifique dans un laboratoire de recherche, et son atelier est un véritable espace alternatif nourri d’expériences multiples. Il s’y essaie à tous les matériaux, simultanément, comme un chef d’orchestre, en les détournant de leurs référents ordinaires. La cire, le bois, le métal, le latex lui permettent des transformations infinies.

L’ambition de cet artiste est d’inverser le rapport entre le naturel et l’artificiel. Il se complaît à bousculer les hiérarchies, les classifications, établies dans les anciens Cabinets de curiosités (Wunderkammern, chambres des merveilles) des précieuses reliques dont les Princes Allemands de l’époque Baroque ont enrichi les collections des musées. Il analyse les rapports complexes divisant «naturalia», «artificialia» et «scientifica».

Il est fasciné non seulement par la science mais aussi par les collections d’insectes, de papillons, les ensembles d’histoire naturelle. Mais il ne récupère pas d’éléments organiques pas plus qu’il n’en créé. Il refuse d’agir en démiurge ou de copier la nature, mais s’applique à en détourner l’apparence et à provoquer des mutations parfaitement artificielles et contre nature justement. Il choisit dans le but d’intégrer ses travaux dans une légitimité muséographique un système de présentation, des rangements et empilements dans des boîtes, des vitrines et des présentoirs, des flacons, qui leur confèrent une dimension historique.

L’époque contemporaine a enrichi son vocabulaire d’objets industriels manufacturés à qui il redonne une nouvelle vie, une noblesse, exaltant leur caractère esthétique, la beauté cachée d’objets considérés comme les rebuts d’une société. Il invente à sa manière ainsi une nouvelle catégorie, «l’industrialia».

Des installations spectaculaires dans des musées attestent de mondes mystérieux, de voyages initiatiques dans des archéologies recomposées, alternent ainsi des grottes (industrial deposits) où des objets industriels recouverts de cire ont l’air d’être d’avoir été congelés à l’ère glaciaire ou pétrifiés depuis des millions d’années. Des nécropoles ou fausses excavations avec des empilements de casques — crânes (skulls, 2007) évoquent les guerriers des tombes chinoises, il anticipe une sorte d’archéologie du futur.

L’espace restreint d’une galerie ne lui permettant pas ces mises en scène macabres et envoûtantes, l’exposition présente des citations de ces mondes, des fragments. Ainsi que le produit des dernières recherches de l’artiste dans lesquelles le monde des humains commence à apparaître.

Les matchstickmen (hommes allumettes) dispersés dans un éparpillement aléatoire montrent une facette nouvelle de ses préoccupations. Il s’éloigne momentanément d’un concept d’évolution pour une réflexion, un questionnement politique, humain et moral. Pendant une période de sa vie, l’artiste a habité Pékin d’où il a rapporté des moulages de têtes utilisées pour un film. Associés à des bâtons de bambous d’une installation, ils sont devenus ces faciès orientaux sur piques.

Comme pour le reste de ses Å“uvres «in progress», il ne donne pas de solutions, d’interprétation, mais propose par ces métaphores visuelles une lecture de l’humanité contemporaine. Il ne dénonce pas spécifiquement un système d’oppression politique même si la question des droits de l’homme s’impose à la vue de ces décapités consumés par le feu. Wolfgang Stiller s’est interrogé sur les contradictions de l’histoire, l’exploitation, la globalisation, la colonisation. Mais avant tout il donne une dimension universelle à ces gisants calcinés. Comment l’humain traite-t-il son prochain?

Au-delà de ce symbolisme, il conserve son goût de la sculpture, de ses possibles combinaisons et variations dans l’espace, une architecture de signes et de ponctuations, le hasard ou l’accident, une phrase d’Oulipo. Sans en oublier les déviations ludiques, le rébus énigmatique d’un jeu de mikado.

Une note d’espoir affleure dans la coquille nacrée qui accouche de ces nouveaux nés comme des perles baroques ou de petits sceaux de cire. Une renaissance? Un idéal clonage? Des jumeaux complices ou ennemis? Une fois de plus Wolfgang Stiller brouille les pistes de l’évolution, des origines et du devenir du monde. A suivre.

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