PHOTO | CRITIQUE

Hypnos

PElodie Wysocki
@13 Mar 2009

Le Musée d’art moderne Lille-Métropole fait le pari ambitieux de revenir sur une période cruciale et bouleversée de l’histoire du XXe siècle. Le projet est d’envergure. Hypnos est extraite du foisonnement pluridisciplinaire de cette période, une sélection étonnante portée par les pratiques populaires spirites et médiumniques, et les découvertes psychanalytiques de l’inconscient.

Hypnos est construite suivant l’axe Prague-Paris, rythmée par la chronologie, elle s’articule autour de trois blocs :  «Le cosmos intériorisé» (1900-1918), «Une géopoétique de l’inconscient» (1918-1933), et «L’heure dangereuse» (1933-1949). Préférant à la surenchère exhaustive, la mise en lumière des créations les plus évocatrices.

Le parcours commence aux origines populaires de la création moderne.
Documents et premières œuvres photographiques nous plongent dans l’ambiance étrange des séances médiumniques et spirites. Les tables flottent, les esprits s’agitent, les ectoplasmes se matérialisent. La photographie a permit d’apporter des preuves, participant en grande partie à la diffusion de cet engouement dans le Nord où les groupes spirites fleurissent.

Guidées par des visions, des voix, des esprits, les œuvres des médiums Hilma Af Klint, Hélène Smith et Augustin Lesage sont l’expression apostolique de ces rencontres spirites. Indéchiffrables, les formes mi-végétales, mi-animales, mi-architecturales d’Augustin Lesage, s’articulent par symétrie. Proches du motif et des traditions ornementales, elles annoncent l’abstraction. Les œuvres aux couleurs arbitraires de Fancis Kupka s’y ajoutent sans mal. Artiste-médium, il est aussi considéré comme l’un des fondateurs de l’abstraction.

Suite à l’impact des théories freudiennes sur l’inconscient, de nouvelles pratiques prennent le pas dans les productions artistiques.

Durant la période dite «des sommeils», les artistes tentent par tous les moyens de saisir les images de l’inconscient, par des œuvres automatiques et des associations libres inspirées de ces théories psychanalytiques naissantes. André Masson, Victor Brauner, Max Ernest, Joan Miró, Hans Bellmer, Brassaï, proches des Surréalistes, ont travaillé dans cette direction et côtoient ici parfaitement, les œuvres des peintres spirites de Kotsian, Kovar, Smetana et Tona ou encore les œuvres  d’Adolf Wölfli extraites du milieu asilaire, annonçant le début de l’art brut.

Le Pendu
ou Meurtre de Kubista Bohumil, ou encore L’Homme nu assis de Picasso traduisent une certaine  anxiété cubiste.

Une anxiété et une froideur que l’on retrouve dans la dernière partie de l’exposition. Le Ver solitaire d’Autriche ou encore Hitler saignant des yeux et de la bouche d’Erwin Blumenfeld répondent à l’obscurité politique qui gagne l’Europe.

Résolument interdisciplinaire, une centaine d’œuvres d’art moderne et d’art brut côtoient documents littéraires, scientifiques, théoriques, cinématographiques et expérimentaux, découvrant ainsi les sillons et les ramifications de cette quête de l’esprit qui mobilisa toute l’Europe durant la moitié du XXe siècle.

Frantisek Kupka
—  Le Rêve, 1909.

Man Ray
—  Marquise Casati, 1922.

Albert von Schrenck-Notzing
—   Le Médium Stanislawa P. avec un voile ectoplasmique, 23 juin 1913.

Marcel Duchamp
—   Rotoreliefs (Optical discs), détail, 1935.

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