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Hsia Fei Chang

09 Avr - 20 Mai 2004

Un univers a priori léger, certainement féminin où les peluches deviennent des sculptures et les fleurs des instruments de musique. Un monde extravagant, règne des enfants et des lolitas où l’étude de la société est de mise. Les bourgeoises de Deauville possèdent-elles un caniche par manque d’affection? Interprétation des gestes.

Communiqué de presse
Hsia Fei Chang
Fraise fétide

Le projet «Fraise Fétide» présente un one-man show de Hsia Fei Chang, jeune artiste taiwanaise pluridisciplinaire de la Galerie Quang. Il regroupe sur une scénographie spécialement créée pour la galerie: installations, vidéos et photographies.
Hsia-Fei Chang est issue d’une génération qui a reçu un enseignement emprunté de plusieurs cultures. Cette artiste plasticienne a choisi une formation marquée par des générations d’artistes qui infiltrent les champs de la production à la diffusion. Hsia-Fei est un personnage qui passe allègrement d’une expression à une autre, dans un rapport tout particulier au temps sans jamais donner l’impression de manquer d’aisance. Sa pratique de différents médiums se situe ainsi entre la performance, l’installation, le film amateur, la vidéo, la photographie. Hsia-Fei est née pluri disciplinaire, elle entretient une sorte de troublant personnage à la fois héroïne de comptine, vulnérable à la Lynch et femme fatale à la Wong Kar Wai.

Cette artiste de 29 ans jongle avec les éléments qu’elle choisit d’analyser et d’incarner. Elle peut autant cadrer l’image d’un manège, des fleurs rouges que travailler sur les paroles d’une chanson, le fragment du corps ou d’indices qui indiquent l’absence des personnes. Son répertoire s’inscrit sur les conséquences de la société du Spectacle, qu’elle incarne par les idoles glamours, plus ou moins sophistiquées de la punkette qui se trémousse avec ses copines dans les déchets des poubelles jusqu’à la bourgeoise qui «Promène Kiki» à Deauville.

Le travail de Hsia-Fei se situe là où on ne l’attend pas. Elle crée l’espace pour parler avec un certain humour et détachement des rapports humains et de la place de la femme en particulier. Elle envisage ainsi le plus souvent de partager avec le public des interprétations culturelles et émotionnelles que chacun peut projeter dans son travail qui va de l’extrême beauté à celle associée à la vie et à sa disparition.
Dans cet état d’esprit, la vidéo intitulée Kitty personnifie la figure de cette poupée Japonaise, commercialisée mondialement. Dénuée de tout attribut de genre, Kitty n’a ni bouche, ni cheveux et bien sûr pas de sexe, ce qui fait de cet objet un parfait accessoire à travestir. Une fois qu’un enfant le fait sien avec tous les attributs qu’il lui donne, il acquiert une autre vie. Au court de trois séquences vidéo, l’artiste s’approprie cette idole pour lui attribuer quelques critères de beauté féminine: elle la maquille…Kitty pleure, rit, danse… Ses émotions sont totalement codifiées, démystifiées. Elle utilise ainsi de façon ludique le corps comme accessoire. Par exemple, la photographie de cette pin-up qui pose en toute décontraction sur une plage jonchée d’ordures réduit au niveau d’information les déchets et la pin-up. La complicité du sourire renverse toute lecture rationnelle de cette image et produit ainsi un attachement tout particulier au personnage et à la situation choisie: rien ne convient.
Un autre travail intensifie le sujet avec beaucoup de dérision sur les chansons populaires hyper célèbres mais bêtes à pleurer «Ne pleure pas Jeannette, nous te marierons, nous te marierons…». Hsia-Fei trouble, pose avec humour des questions sur les infinies possibilités d’interprétation des faits et gestes dans une société où tout indice est érigé en système organisé de représentation.
Dans Flower Foot, tout y est retenu et contient une dimension tragique de la solitude de l’être humain en quête de se retrouver. L’immobilisme alterne au mouvement d’un pied nu, cadré vu du dessous. Les mouvements saccadés font suite à l’immobilisme, comme pour mieux reprendre. Ce qui se passe entre les deux, comme pour une idole qui disparaît de nouveau, suscite et entretient un certain besoin de vivre. Georges Bataille définit cette jouissance, comme «La petite mort» : «une obsession qui malgré les lois par lesquelles l’homme organise sa société se manifeste dans la mort et dans la sexualité, deux pôles contradictoires avec la vie sociale, sur lesquels pèsent tabous et interdits». Il y a une sorte de désir de partager le désespoir, ce qui jadis s’exprimait dans la fête, le sacrifice, mais que notre société condamne. Dans ce que l’absence développe dans notre imaginaire, Hsia-Fei donne place au fantasme, au bonheur, à l’être aimé, à une chose ou une idée de la beauté transgressée et de l’idole.
L’image de la beauté est ainsi associée à l’image des fleurs, vraies ou fausses, éparpillées au sol photographiées ou accrochées sur le mur. Hsia-Fei depuis ses premières pièces entretient une relation toute particulière aux fleurs qui sont aussi le véhicule pour accompagner les personnes dans une autre vie. L’image du culte funéraire de sa grand-mère y est ainsi souvent perpétuée comme dans The Grandma’s party.
Le paradigme du répertoire de la beauté façon manga Japonais s’inscrit dans la pièce principale de l’exposition chez Miss China dans «Rainbow Star» qui couvre le mur entier de la galerie de fleurs synthétiques. Comble du bonheur atteint: make a wish (faites un vœu)!

Hsia-Fei nous montre nos propres limites lorsqu’il s’agit de notre intimité, un acte qui parle des rapports que nous entretenons avec nous-même et les autres. De l’idée de danser en solo la valse, Solo Valse, ou le film amateur sur l’adolescente typique dans My Gym (10) Hsia-Fei réactive sans limitation et de façon circoncise ces moments de refoulement. Hsia-Fei interprète les idoles «comme si elles étaient trop belles pour exister» dit l’artiste. Le mythe se perpétue et se (re) construit dans leur absence qu’elle interprète de nouveau en quète d’identité : Dalida, Beyond (groupe Hong-Kongais dont le chanteur est mort au cours d’une émission de divertissement à la télévision), Guns and Roses, Brigitte Bardot, Sylvie Vartan, Françoise Hardy…… Cette autre façon de partager ce «trop beau» à nouveau, elle le joue à recherche de la «Chanson perdue» et de ses attributs tragiques. Elle remix ainsi la panoplie de la star qu’elle détourne façon Karaoké, en gardant précisément toute la dimension amateur de l’interprétation qui correspond à l’image très attendue d’une jeune et belle femme asiatique qui chante pour nous. Le glamour, elle le joue avec tout ce qui a de plus trivial et qui est en quelque sorte gommé de l’image entretenue par les fans. C’est sur les poubelles mêmes de la rue qu’elle chante. Ça pue, comme cet arrière-goût de fin de soirée post-adolescent. C’est de cela dont elle parle. C’est à force d’enfiler des chaussures de bout en bout sur une chaussure qu’une femme essaye de marcher, mais ne se relève pas du fétiche et tombe à nouveau à quatre pattes pour mieux se relever.

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