PHOTO | EXPO

HF | RG

07 Avr - 07 Juin 2009
Vernissage le 06 Avr 2009

Notre monde complexe, saturé d’images, mis à mal par de multiples difficultés existentielles, sociales et politiques, est exploré avec pertinence et singularité par Farocki et Graham. Ces deux artistes ne cessent d’inventer de nouveaux dispositifs qui aiguisent notre perception du monde.

Harun Farocki et Rodney Graham
HF | RG

Face à face de deux artistes contemporains majeurs, issus de la même génération mais d’horizons très différents, l’exposition « HF | RG » réunit des œuvres de Harun Farocki et de Rodney Graham.

L’usage que ces deux artistes font du film et de la vidéo, et une réflexion commune sur l’image, l’histoire et l’autoreprésentation, leur permettent de se croiser sur bien des points.

Selon Chantal Pontbriand, commissaire de l’exposition, « tous deux excellent à révéler les tropes de la contemporanéité qui est la nôtre… ».

Notre monde complexe, saturé d’images, mis à mal par de multiples difficultés existentielles, sociales et politiques, est exploré avec pertinence et singularité par ces deux artistes. Farocki et Graham ne cessent d’inventer de nouveaux dispositifs qui aiguisent notre perception du monde.

Présentée sur les deux niveaux du Jeu de Paume, cette exposition équivalente à deux rétrospectives combinées, regroupe une majorité d’œuvres montrées pour la première fois à Paris. Projections numériques, installations ou monobandes pour Harun Farocki, photographies et boîtes lumineuses grand format, œuvres sculpturales conceptuelles, installations sculpturales et installations vidéo, et film 16 ou 35 mm pour Rodney Graham.

En tout, l’exposition comprend 45 œuvres et révèle quatre grands concepts qui se retrouvent chez chacun des artistes, parfois même dans une même œuvre : l’Archive, le Non-Verbal, la Machine et le Montage. Plutôt que d’être divisée en quatre parties, la mise en place des œuvres les montre de façon dialogique dans une séquence guidée par l’intuition et les résonances entre les œuvres. Suggérant un jeu de pistes, les cartels soulignent certains concepts qui se retrouvent dans chacune des œuvres.

Les concepts agissent dans l’exposition en tant qu’axes transversaux, comme des leitmotiv qui se déploient en différents sens, selon les usages qu’on en fait dans les différentes œuvres montrées. Il s’agit d’une poursuite d’intelligibilité, telle qu’elle est mise en images par les deux artistes.

L’image est ici traitée de façon multidimensionnelle, propice à la production d’hyperliens. Le recours à l’archive, comme source et ressource, texte et langage, ainsi qu’aux agencements que proposent la notion de « montage » ou celle de « machine » ne peuvent qu’expliciter le fonctionnement « non-verbal » de l’image, son caractère ouvert et polysémique. Les quatre concepts travaillent en résonance les uns avec les autres.

Ainsi, la dynamique de l’hyperlien, si caractéristique de la culture des réseaux qui est celle de notre contemporanéité (au-delà du post-structuralisme et du postmodernisme), peut-elle librement émerger de l’exposition, traversée de part en part par la dynamique du spectateur.

C’est en ce sens que le titre de l’exposition sous forme de monogramme, où les simples initiales des artistes sont séparées par une barre verticale, emprunte au S/Z de Roland Barthes, l’un des premiers ouvrages à mettre l’intertextualité en avant dans l’histoire du poststructuralisme.

L’Archive
Le recours à l’archive, à la fois comme source et ressource, texte et langage, domine dans les pratiques des deux artistes. Tous deux s’intéressent à des phénomènes liés à l’image et à la mémoire. À l’inverse de la tabula rasa qui infiltre la dynamique actuelle, ces artistes nous projettent vers l’avant en inventant des dispositifs qui renouvellent le regard que l’on peut avoir sur le monde et sur l’art.

En quête du sens et du statut de l’image, Harun Farocki, reconnu pour ses nombreux films où il privilégie une approche documentaire rigoureuse, utilise des archives cinématographiques et télévisuelles (Arbeiter verlassen die Fabrik in elf Jahrzehnten [Sortie d’usines en onze décennies], 12 moniteurs, 2006 ; Vergleich über ein Drittes Ich glaubte Gefangene zu sehen [Comparaison via un tiers], 2007), ainsi que des images captées par des caméras de surveillance de lieux institutionnels (Je croyais voir des prisonniers, 2006). Une vision nouvelle et différente du sujet ressort de ces images « remixées ».

Rodney Graham, pour qui le geste performatif est fondamental, s’intéresse pour sa part aux archives photographiques (voir sa série d’arbres inversés dont plusieurs ponctuent le parcours de l’exposition), ou littéraires (The System of Landor’s Cottage. A Pendant to Poe’s Last Story, 1987 et Reading Machine for Lenz, 1993) et musicales. L’archive est indissociable de l’ensemble de son parcours où l’on trouve de constantes références à l’histoire de l’art de la photographie (Camera obscura mobile, 1996) et au cinéma (Vexation Island, 1997). Dans notre monde de surinformation, « post-média », tous deux nous obligent à appréhender l’archive d’une manière créatrice.

Le Non-verbal
Ce que le langage parlé ne peut communiquer est au cœur de la recherche artistique de Farocki dans son analyse de l’émergence du non-verbal au cinéma. Farocki tente de dévoiler ce qui est indicible dans ce qui est montré, ce que révèlent les gestes plutôt que les commentaires, associés au choc suscité par le montage des images (Nicht löschbares Feuer [Feu inextinguible] 1969 ; Schnittstelle [Section], 1995 ; Der Ausdruck der Hände [L’expression des mains], 1997).

Graham s’attache à ce qui distingue le connu de l’inconnu dans le comportement humain et dans l’existence. Il met en œuvre des dispositifs où le non-verbal transparaît dans l’usage qu’il fait de l’image et de l’action ou du geste combinés, intégrés dans une structure répétitive, révélant ainsi la dichotomie entre le conscient et l’inconscient (Halcion Sleep, 1994 ; Vexation Island, 1997 ; How I Became a Ramblin’ Man, 1999 ; City Self/Country Self, 2001).

La Machine (et les dispositifs)
Les deux artistes ont une conscience aiguë de la machine et de différents dispositifs machinistes, la « machine cinéma » pour Farocki qui témoigne du monde et de son fonctionnement (Auge / Maschine I, II et III, 2000, 2001, 2003 commentent les technologies de guerre).

Graham explore aussi les manières de lire, de regarder ou de se comporter, souvent liées aux machines, avec la camera obscura par exemple (Camera obscura mobile, 1996), le vélo, ou d’autres modes de transport. Il agence une machine à écrire et un projecteur de cinéma (Rheinmetall / Victoria 8, 2003), ou commente les machines des dispositifs cinématographique, photographique ou théâtral (Coruscating Cinnamon Granules, 1996, Dance !!!!!, 2008). « Chez Graham, c’est plutôt la machine en général qui est explorée, commentée, trafiquée, pour en faire ressortir ce que d’emblée on peut caractériser de métaphysique des images, tout autant que de paradoxe des images. » (Chantal Pontbriand)

Le Montage
Pour Harun Farocki, le montage est un moyen unique pour comprendre et analyser le monde. Dans ses œuvres, il n’hésite pas à comparer différentes formes de montage entre elles (Schnittstelle [Section], 1995 ; Deep Play, 2007).
Rodney Graham se sert du montage pour se mettre en jeu lui-même dans des œuvres d’autres artistes et en y incluant par exemple des fragments de textes ou de trames musicales (Loudhailer, 2003). Il inscrit ainsi le passé dans le présent et ouvre la voie à un monde possible et inconnu.

Commissaire de l’exposition : Chantal Pontbriand

AUTRES EVENEMENTS PHOTO