DANSE | SPECTACLE

Les Vagamondes | Ce que le jour doit à la nuit

18 Jan - 18 Jan 2019

C'est presque son dixième anniversaire que fête Ce que le jour doit à la nuit, d'Hervé Koubi. Avec douze danseurs virtuoses, la pièce dessine une chorégraphie vibrante, une passerelle entre Orient et Occident, entre France et Algérie. Comme un instant suspendu, à la lisière du sacré.

Pièce au long cours, l’aventure de Ce que le jour doit à la nuit, du chorégraphe Hervé Koubi (Cie Koubi), débute en 2009. Avec l’étape de travail El Din (2010), ample performance pour douze danseurs. Et c’est à partir de 2012 que la pièce entre dans sa forme finalisée actuelle. Composée par un chorégraphe français né de deux parents algériens, Ce que le jour doit à la nuit plonge dans la construction mémorielle. Étape de vie, le spectacle répond à une prise de conscience tardive : celle des origines. Ce moment où le chorégraphe se met à sentir physiquement ce qu’il sait abstraitement : qu’il est d’origine algérienne. Avec la curiosité attenante pour les influences que cela implique. Et pièce aussi sensible que sensorielle, c’est aussi par la danse qu’Hervé Koubi explore son histoire, ses liens avec l’Orient, entre fantasmes et réalités.

Ce que le jour doit à la nuit d’Hervé Koubi : un retour aux sources, en dansant

Le cheminement de Ce que le jour doit à la nuit passe par une coopération, en 2009, avec les danseurs ivoiriens de la Compagnie Beliga Kopé pour Un rendez-vous en Afrique. Dans la continuité, Hervé Koubi organise une audition à Alger. Et le projet s’esquisse avec douze danseurs algériens et burkinabés, essentiellement venus de la danse de rue et Hip-hop. Si l’Algérie ne fait pas partie de l’Orient, c’est pourtant l’un des réceptacles de l’Orientalisme du XIXe, note Hervé Koubi. Et sans écarter ses fantasmes d’enfant ayant grandi en France — fantasmes teintés de puissance ottomane et de suavité arabe —, la pièce dessine des points de suspension entre les cultures. Points de suspension ou de dentelle, la pièce emprunte par ailleurs son titre au roman de Yasmina Khadra. Un récit tramant le cheminement d’un jeune garçon algérien, apprenant à connaître, et aimer, son pays de naissance, colonisé.

Dentelle chorégraphique et douceur virile : du Break aux derviches tourneurs

Sur scène, les jeux de lumières distillent ombre et éclat, ajourant l’obscurité d’une résille lumineuse. Les musiques dessinent elles aussi des ponts entre les cultures. Entrelaçant pièces composées par Hamza El Din et interprétées par le Kronos Quartet, morceaux de Johannes Sebastian Bach et musique Soufi. Et dans cette ambiance tamisée et soyeuse, douze hommes déploient leur virtuosité chorégraphique. Avec une délicatesse et une douceur qui ne leur enlèvent rien de leur virilité. Au contraire. Comme l’énonce Hervé Koubi, cet Orient se teinte de rapports entre hommes dénués d’ambiguïtés. Les corps se touchent, se frôlent, se portent, avec une douceur fraternelle et un respect tangible. Comme habités par une forme de sacré. Y compris lorsqu’ils tourbillonnent sur la tête, tel un pont entre derviches tourneurs et breakers. Pièce ciselée, Ce que le jour doit à la nuit dit ainsi quelque chose de la beauté des rêves.

À retrouver à l’Afsco – Espace Matisse (Mulhouse) dans le cadre de la 7e édition du festival Les Vagamondes de La Filature (Mulhouse).

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