ART | CRITIQUE

Gloria Friedmann

PMaxence Alcalde
@29 Nov 2001

L’œuvre protéiforme de Gloria Friedmann est construite comme autant de protocoles d’expériences. Elle met en scène les rapports qu’entretient l’espèce humaine avec son écosystème, et interroge l’évolution de l’humanité avec ses doutes et ses errances. Ses moyens sont tour à tour la photographie, les animaux empaillés, la vidéo, l’installation…

Gloria Friedmann construit son œuvre protéiforme comme autant de protocoles d’expériences. Elle délimite des champs d’action, définit des paramètres et des variables, tout en se gardant de proposer des solutions. Elle met en scène les rapports qu’entretient l’espèce humaine avec son écosystème, et interroge l’évolution de l’humanité avec ses doutes et ses errances. Ses moyens sont tour à tour la photographie, les animaux empaillés, la vidéo, l’installation…

La Soupe primitive de Stanley Miller aborde l’éternelle ambition démiurgique de l’homme à vouloir contrôler le vivant. Cette pièce retrace la célèbre expérience de Stanley Miller qui, dans les années cinquante, voulait recréer la «soupe primitive», un mélange chimique générateur d’acides aminés supposé régénérer de la vie sur terre. L’expérience revêt ici un caractère presque absurde : une fiole posée sur un socle contient un liquide noir en apparente ébullition, mais duquel rien ne se dégage. L’ironie est d’autant plus évidente que les hypothèses de Stanley Miller n’ont jamais pu être vérifiées.

Théorie n° 7459 se compose d’un tableau de verre où sont griffonnées des formules mathématiques du logicien Kurt Gödel, très largement incompréhensibles par la plupart des regardeurs. Si bien que l’œuvre penche plus du côté du dessin abstrait et du totem cabalistique que de l’information scientifique. D’autant qu’elle est flanquée de deux crânes de mammifères qui font figure de trophée. L’idéal scientifique de connaissance est confronté à un invraisemblable bric-à-brac de gris-gris et d’écritures magiques. Au-delà de l’opposition entre science et magie se profile l’ombre inquiétante de Frankestein.

Made in Big-Bang renoue avec l’idée plus classique de nature. Un perroquet empaillé trône à la surface d’une plaque lumineuse bariolée de couleurs identiques à celles de son plumage. La référence aux musées d’histoire naturelle et aux cabinets de curiosités du XIXe siècle est explicite. Mais cette pièce plus caustique que nostalgique, dans laquelle le perroquet semble surtout choisi pour ses couleurs chatoyantes, place les orientations scientifiques et pédagogiques de ce type de musée au second plan, derrière les curiosités mondaines et les effets de surface.

L’œuvre de Gloria Friedmann est plus descriptive que militante et vindicative. Plutôt que délivrer un message, elle suscite la réflexion sur les enjeux politiques et écologiques des sociétés occidentales en proposant aux visiteurs de devenir les acteurs des œuvres conçues comme des «scénarios existentiels».

Gloria Friedmann
— L’Art de survivre, 2001. Impression jet d’encre, cadre métal.
— Théorie n°7341, 2001. Plastique transparent, acrylique. 160 x 160 cm.
— Made in big-bang, 2001. Plastique transparent, animal naturalisé, laques (acrylique), ampoule. 200 x 300 cm.
— La Soupe primitive de Stanley Miller, 2001. Socle en métal, fiole en verre, liquide.
— Théorie n° 7459, 2001. Plastique transparent, acrylique, crânes. 200 x 130 cm.
— 24h sur 24 X, 2001. Laque (acrylique), Plastique transparent, réveil. 200 x 150 cm.
— En orbite, 2001. Laque (acrylique), Plastique transparent, os. 200 x 450 cm.
— 5’ 30’’, 2001. Vidéo, moniteur, terre, réveils. Dimensions variables.

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