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Glaciers

Comment notre regard se pose-t-il aujourd’hui sur les glaciers? Ce travail d’inventaire photographique débuté en juin 2012 par Aurore Bagarry a pour objectif d’enregistrer objectivement le glacier comme présence, mais aussi comme trace. Cet ouvrage fait un état des lieux à mi-parcours de cette exploration à la fois plastique et documentaire.

Information

Présentation
Aurore Bagarry
Glaciers

Ce travail, commencé en juin 2012 et toujours en cours, a pour objet la photographie des principaux glaciers du massif du Mont-Blanc en France, en Italie et en Suisse. Inventaire symbolique, regroupant 32 photographies et 24 glaciers, le présent livre fait un état des lieux à mi-parcours d’une exploration à la fois plastique et documentaire. Chaque glacier a été photographié à la chambre 4×5 inch entre juin et septembre, après la fonte des neiges.

Comment notre regard se pose-t-il aujourd’hui sur les glaciers? Ces larges étendues de glace à l’avenir incertain nous questionnent et nous inquiètent. Entre beauté et tristesse, leur évolution plastique continue. Si le philosophe Friedrich Hegel lors de son séjour dans les Alpes les qualifiait de laids, «de grands amas mélangeant glace et boue», l’écrivain Adalbert Stifter, dans son livre Cristal de Roche, louait au contraire la pureté zen de ces blocs à la beauté glaçante et rédemptrice.

C’est par la photographie grand format qu’Aurore Bagarry a choisi de traiter de ce sujet complexe, à l’instar de l’inventaire des glaciers du photographe Aimé Civiale au XIXe siècle pour le compte de l’empereur Napoléon III, ou de Léon Gimpel, dont les recherches colorées virtuoses ont proposé au début du XXe siècle une lecture sensible des seracs du glacier des Bossons.

Avec les textes de: Vincent Chanson, Luce Lebart. Légende pour chaque glacier: Luc Moreau.

Cet ouvrage accompagne la première exposition personnelle d’Aurore Bagarry présentée à la Galerie Sit Down à Paris, du 28 mai au 24 juin 2015.

«Le travail d’Aurore Bagarry s’inscrit tout à fait dans cette filiation qui fait de la représentation de la montagne la matière d’une logique du retrait et de l’épochè. L’épochè comme la suspension du sens, comme la mise à distance d’une raison humaine qui ne peut rivaliser avec la puissance grandiose de l’élément naturel.

En s’attachant à inventorier les glaciers du massif du Mont-Blanc en France, en Italie et en Suisse, les photographiant entre juin et septembre, après la fonte des neiges, Aurore Bagarry enregistre avec un objectivisme radical le glacier comme présence, mais aussi comme trace. On pense évidemment ici à certains grands peintres romantiques, mais surtout au travail de photographes comme Léon Gimpel ou Walker Evans et Bernd/Hilla Becher pour la distance documentaire. Car il semble aujourd’hui difficile de travailler avec l’imaginaire du romantisme et son pathos du sublime: la rationalité du scientifique et ses multiples outils de mesures climatologiques ont eu raison de la métaphysique des sommet.

C’est précisément au sein de ce mouvement de désacralisation que s’inscrivent les photographies d’Aurore Bagarry. L’idée de la trace, de ce qui servit à l’inexorable fonte des neige, pose la question du statut de sa fixation sur le support photographique. Les multiples variations de formes des glaciers peuvent-elles encore se donner à voir par le photographe? Ne sommes-nous pas confrontés à l’irrémédiable encodage du singulier par l’impressionnant maillage de données de l’appareil technique?
C’est de cette tension que se nourrit ce projet d’Aurore Bagarry, ici en dialogue avec ce qu’une certaine méditation mélancolique quant au devenir du monde moderne peut réellement signifier.»

Vincent Chanson