DESIGN | CRITIQUE

Frédéric Ruyant

PEmilie Grossières
@20 Avr 2011

Pour sa nouvelle exposition à la Tools Galerie, l’architecte-designer Frédéric Ruyant nous propose cinq pièces de mobilier directement issues de la création du monde, un vrai big bang du mobilier design !

Fracture évoque la naissance d’un nouveau type d’objets, nés de la confrontation de forces, et aujourd’hui assagis pour intégrer nos intérieurs. Fracture c’est une typologie banale faite de formes innovantes : une table, un guéridon, une applique, une console, et un vase. A première vue, rien de très extravagant. Pourtant à la lecture des noms, on soupçonne quelque chose de plus fort, de mouvant.

La table White Storm est un assemblage de plaques s’entrechoquant, pour s’étirer ou se resserrer, selon le nombre de convives attablés. Dans une même idée, la console Wall Fracture allonge ses lignes effilées pour mieux nous servir. Elément indispensable dans tout intérieur, le guéridon Twisting Leaf est une seule feuille savamment pliée. Sharp Line, l’applique lumineuse, semble taillée comme le plus précieux des diamants. Le vase Flower Quest aux formes rudes recueille délicatement en son sein les fleurs, tel un écrin de roc… Sous cet aspect de typologie commune, se cachent des formes futuristes, prêtes à envahir notre environnement privé, et interrogeant de nouvelles possibilités.

Pour créer sa tectonique des plaques personnelle, Frédéric Ruyant utilise une matière nouvelle, le Corian, matériau blanc et parfaitement lisse, mettant en valeur la précision de son dessin. Déjà en 2002, il s’était essayé au Corian, créant un plateau réversible, selon le repas que l’on souhaite prendre. Tout en simplicité, seule l’incision dans le matériau délimite la fonctionnalité de l’objet.

Avec la série Fracture, chaque strate, pliure, arrête d’angle parait sublimée, telle une architecture de glace, ou une sculpture de papier en origami. Il joue entre équilibre et éclatement, rigueur et glissement, dans un chaos apparemment stabilisé… A l’image de la banquise se disloquant et dérivant sur les eaux, les objets de Frédéric Ruyant pourraient se réveiller en un fracas insoupçonné sous leur apparence placide. Malgré toute cette violence endormie, nous devinons la délicatesse du travail du designer, dans la finesse et l’élancement de ces cinq objets.

Pourtant, tout ce blanc immaculé, frais, neuf et lisse, peut-il vraiment évoquer un instant aussi dramatique qu’un éclatement, une fracture s’ouvrant sur un nouveau monde ? Si la couleur est due ici à une solution d’ordre plastique, par le choix du matériau, et qu’elle s’accorde à l’idée d’une dislocation de la glace, quelque chose de plus brut, de plus rugueux aurait pu être envisagé pour ce même thème. Mais alors le calme final, survenant après la tempête n’aurait pas opéré…

Frédéric Ruyant aime évidemment à nous surprendre. Pour sa précédente exposition à la Tools Galerie en 2006, il avait décidé d’emprisonner la lumière : à l’aide de petites cloches de verre renfermant plantes ou souvenirs, d’une Taberlight, boîte en verre scellée sur piédestal, retenant à jamais une lumière diaphane, ou encore une capsule quasi spatiale pour y conserver des reliques d’un nouveau genre. Son siège-tapis Lector Chair est tout aussi déroutant : suspendu, c’est un siège à haut dossier, au sol il devient tapis.

Dans le monde du design selon Frédéric Ruyant, les objets ne sont jamais tout à fait ce qu’ils semblent être…

Frédéric Ruyant
― White Storm, 2011. Table à manger. Structure alvéolaire aluminium, revêtement «Corian®». 180 x 165 x 75 cm.
― Sharp Line, 2011. Applique murale. «Corian®».
― Flower Quest, 2011. Vase. «Corian®».
― Wall Fracture, 2011. Console. «Corian®».

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