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Formes biographiques

Traditionnellement, la biographie donne le cadre d’exercice de l’activité artistique individuelle. Jean-François Chevrier propose ici une autre approche. L’écriture de la vie, poétique et artistique, transforme l’état civil; les faits deviennent les éléments d’une construction où mythologie individuelle de l’artiste rencontre une critique des normes culturelles.

Information

Présentation
Jean-François Chevrier
Formes biographiques

«Formes biographiques» au Carré d’art-Musée d’art contemporain de Nîmes prolonge l’exposition «Formas biográficas» présentée au musée Reina Sofia de Madrid en 2013-2014. L’exposition de Madrid déployait, jusqu’à la période actuelle, un panorama des expériences et expérimentations biographiques dans l’histoire de l’art moderne. L’exposition de Nîmes est centrée sur la période contemporaine et rassemble des œuvres réalisées principalement depuis la fin des années 1950.

Comme dans la première version, le récit débute avec le romantisme et l’idée de «mythologie individuelle» déduite de l’œuvre de Gérard de Nerval, telle qu’elle fut mise en œuvre dans les arts visuels. Cet ancrage littéraire de la fantaisie biographique (autobiographie comprise) n’a cessé de se vérifier dans l’inspiration que les artistes modernes ont trouvée auprès des poètes. En lançant «je est un autre» (1871), Rimbaud reprenait, sans le savoir, le «je suis l’autre» (1854) de Nerval.
La biographie est considérée généralement comme l’histoire d’un individu: une histoire racontée. La biographie d’artiste est une des formes qui, depuis Vasari, ont constitué l’histoire de l’art. Mais la biographie est également un matériau travaillé par les artistes eux-mêmes, soit que l’activité artistique participe d’une construction subjective et intersubjective, soit que l’œuvre élabore des éléments autobiographiques.

L’exposition intègre cet aspect autobiographique, mais en évitant l’inventaire des jeux innombrables auxquels a donné lieu la question de l’identité de l’artiste. Au XXe siècle, l’idée de «construction» s’est imposée comme le corollaire de la mythologie individuelle, favorisée par le surréalisme. En construisant des formes biographiques qui mêlent la fiction et la chronique, la fantaisie et l’authenticité documentaire, les artistes, à l’instar des poètes-narrateurs, ont rompu avec l’emprise de l’état civil comme avec les normes naturalistes du récit de vie. L’exposition interroge le modèle constructif de la biographie, tel qu’il est mis en œuvre dans l’activité artistique, à partir d’éléments documentaires ou fictifs. Ces éléments biographiques présentent un caractère discontinu et fragmentaire qui correspond au procédé type de l’art moderne, le collage, avec son alternative, le montage, et ses extensions, l’assemblage, l’environnement.

En profitant de cette double orientation, mythologique et constructive, les formes biographiques se sont libérées des conventions sclérosées du biographisme: les artistes (écrivains et cinéastes compris) n’ont cessé de prouver que la biographie ne préexiste pas à sa mise en forme, dans des mots, des images ou tout autres types de matériaux. La question du «sujet», aux deux sens du terme (thème et instance subjective), procède ainsi de l’histoire croisée du récit et des formes artistiques.

Dans son organisation, le livre Formes biographiques fait écho au récit conduit dans les deux versions de l’exposition sur le mode du montage et de l’installation. Il reprend les vingt chapitres et la plupart des images du catalogue espagnol, augmentés d’une troisième partie en dix nouveaux chapitres. Dans cette troisième partie seront reproduites les œuvres exposées au Carré d’art.

Sommaire
— Introduction
Partie I: Le nom, la chambre
— Mythologie individuelle: genèse de la notion
— La Généalogie fantastique
— L’oiseau phénix de Nerval ou l’étoile du perdu
— Charles Meryon. Vue et inscriptions
— Artaud, l’alchimie, les Chimères
— Artaud, Strindberg. La question du jugement
Mains tenant le vide. L’invisible selon Alberto Giacometti
— Max Ernst, Ecritures. Les myth-makers
— Dorothea Tanning. Chambre 202 ou les transformations de la perspective biographique
— Les Demeures d’Etienne Martin
Partie II: L’élément constructif et le drame de la vie
— Elément(s)
— La guitare de Picasso et l’atelier de Braque
— L’espace de crise de la biographie
— Le drame de la vie selon James Joyce et Edvard Munch
— Les bio-objets selon Tadeusz Kantor
— Images-actions et tracer. La scène viennoise
— Œuvres et activité. Lygia Clark: la «vie décalée»
— Sujet émacié et agence multiple
— L’enfance de l’art
— Frontières humaines
Partie III: Misère et éloge du sujet
— Marcel Broodthaers, ou les inscriptions d’une biographie artistique
— Collection et théorie des figures
— L’innocence seconde (passages et lieux de l’image)
— Le petit Hains
— Collections et objets-images
Flat scrap de Dieter Roth, ou le film de la vie
— Où vivre? Exils et migrations
— Moments de vie dans le récit filmique
— Le théâtre biographique selon Peter Friedl
— André du Colombier, la vérité du personnage
— Liste des œuvres
— Index