ÉCHOS
01 Jan 2002

Fiac 2008 : du design encore et toujours !

Design et art, art et design, la Fiac fait son inventaire à la Pérec. De plus en plus, l’objet interpelle le collectionneur et le marché du design, en pleine croissance, semble participer à l’avènement d’un dixième art… 

Par Anne Bony

Le sens premier du design est le dessein, l’intention, la formulation, l’expression, et à ce titre, il est artistique. Il sert aussi la fonction et dans la tradition du Bauhaus, de l’école d’Ulm, il s’engage pour une adéquation forme et usage. L’engouement pour l’objet est bien naturel, qui n’a pas rêvé d’acheter un aspirateur design, une lampe dernier cri ou un canapé tendance ? Et c’est la même motivation, le goût des objets, qui induit une attitude de consommation ou de collection … Signe manifeste d’une appartenance sociale, le design ne nécessite pas de thèse, d’antithèse, de synthèse, alors que l’art contemporain touche un cercle d’initiés. L’objet design joue sur une émotion plus intime, il réconforte l’amateur, traduit souvent une nouvelle attitude et plonge aux sources de la sociologie, de l’usage et des mœurs. Il suffit pour s’en convaincre, d’observer les troupes de nouveaux amateurs suivre les coordinateurs culturels de la Fiac, dans le labyrinthe des galeries.

L’objet passé aux cribles de l’art contemporain

Reines de la manifestation, les galeries d’art contemporain portent un regard critique sur l’objet. Les artistes flirtent avec les genres et foulent le territoire du design dans une perspective réflexive, comme dans la réalisation spéciale Fiac de Richard Fauguet pour la galerie Art-Concept, issue de la récupération de plateaux Formica agencés sur une structure de tube de fumisterie, fonctionnelle et ironique. Une allusion à la société de consommation et à ses effets pervers dans l’esprit pop, que l’on décèle également dans le There Is Always Cinema de Subodh Gupta et le lit agressif de Mona Hatoum, Dormiente, édités pour la Galleria Continua (Italie). Chez Chantal Crousel, l’horloge de Melik Ohanian, Relative Time, questionne notre appréhension du temps, tandis que l’installation de Franz West chez Bernier Eliades, Woody at Home, caricature la relation au domestique.

Dans la Cour carrée du Louvre, l’autre volet de la Fiac, on retrouve l’Atelier Van Lieshout et les oeuvres de Mathias Grünfeld chez Jousse entreprise, l’artiste-designeuse Florence Doleac chez Alice Vidal et le travail d’une jeune artiste russe Anna Zholud chez Aidan Gallery (Moscou). Un groupe de quatre suisses nommés Gelitin dresse une image ironique de l’objet domestique avec l’aspirateur Eléphant, qui semble faire écho à une autre interprétation de l’électroménager, celle de Daniel Firman chez Alain Gutharc.
Pour conclure ce voyage dans l’univers de l’objet d’art, une galerie engagée depuis longtemps dans la politique design mais qui s’est recentrée sur l’art contemporain, Chez Valentin, présente un canapé en résine d’Eric Baudart, un faux radiateur surdimensionné cinétique et ironique de David Renggli, et une cheminée de Pierre Ardouvin. Un « home » rêvé…

Editions limitées et liberté créatrice

L’objet design est un objet produit par des galeries dans une économie de série limitée (8 exemplaires + 2 exemplaires d’artistes) à l’image du marché de la photographie plasticienne et de la vidéo, il y a quelques années. Ce nouveau marché porteur soutenu par les maisons de vente et en particulier par Fabien Naudan chez ArtCurial, est développé par une dizaine de galeries. Les figures historiques sont Nestor Perkal qui importe en France le groupe Memphis, Pierre Staudenmeyer, créateur de la galerie Neotu en 1984, Agnès Bellebeau avec la galerie En attendant les barbares et Elisabeth Delacarte avec Avant-Scène (1986). Ces expériences, qui ont marqué les années 1980, ont permis au design de s’exprimer en dehors des contingences de l’industrie.

Le quartier du design : du vintage à l’expérimentation

Aujourd’hui, la Fiac présente en mezzanine une section réservée au design, où exposent neuf galeries. En première ligne, on retrouve les défenseurs des valeurs historiques : la galerie Dansk Möbelkunst (mobilier de Hans J. Wegner) et la galerie Eric Philippe (mobilier James Mont, Viggo Boesen et John Lloyd Wright). Les directeurs de la galerie Dewindt (Bruxelles), distributeurs exclusifs d’Andrea Branzi et de Matali Crasset, présentent une sélection rigoureuse de luminaires et de mobilier des années 50-60 — dont un trône d’ Eichenberger et un tapis volant en feutre de l’architecte Suppanen.
Les valeurs sures du marché, Jean Prouvé, Charlotte Perriand, Serge Mouille, prennent place chez Philippe Jousse et Patrick Seguin, Pierre Paulin chez Mathias Jousse. François Laffanour de la galerie Downtown semble hésiter entre l’art et le design. Il expose, entre autres, deux fauteuils somptueux de Ron Arad et des sculptures de Takis. L’objet l’interpelle dans sa 3ème dimension.

Les autres galeries sont engagées en édition de design contemporain. La Tools galerie, qui expose pour la première fois à la Fiac, se passionne pour de jeunes designers qui proposent des univers forts, poétiques et élégants. Elle présente une sélection des artistes de la galerie et, en exclusivité, une somptueuse table d’Asylum collection, en chêne et polyester. Mouvements modernes sont présents sous la nouvelle direction de Chloé Braunstein et Sophie Mainier. Ces dernières invitent la Manufacture de Sèvres, collaborent avec Doshi Levien — dont elle vont éditer la table basse en marbre —, Pablo Reinoso et Andrea Branzi et présentent le prototype d’une suite de Soft Rocks en feutre d’Arik Levy.  La céramique contemporaine est aussi dans les combats de Mouvements modernes avec la présentation de Merete Rasmussen. Tout juste installée rue de Seine, Kreo présente, quant à elle, une sélection de pièces qui se jouent de l’espace et du reflet « designées » par Front Design. Sont également au rendez-vous les « classiques » de la galerie : Martin Szekely, les Bouroullec, avec de belles expositions en perspective du côté de Pierre Charpin et d’Hella Jongerius.

Pour conclure, l’artiste est à l’avant-garde, il est le moteur du processus de création, il excelle en liberté, et les galeries ont permis aux designers de s’engager à pas menus, sur leur chemin…

  

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