ART | CRITIQUE

Exposition universelle I

PIsabelle Soubaigné
@12 Jan 2008

Le titre «Exposition universelle I» renoue le lien entre le Palais de Tokyo et l’Exposition coloniale de 1937 que Jota Castro considère comme le symbole de la « supériorité technique de l’Europe blanche sur le reste du monde ».

Pour son « Exposition universelle I », Jota Castro investit une nouvelle fois le Palais de Tokyo qu’il détermine comme « source d’inspiration critique ». Symbole en 1937 d’une éventuelle « supériorité technique de l’Europe blanche sur le reste du monde », le lieu devient support d’expériences et de remise en cause pour l’artiste et le public pris à parti dans cette mise en scène.

Discrimination Day nous projette dés l’entrée dans une réalité vécue au quotidien par une partie de la population. Des barrières métalliques dessinent deux couloirs surmontés de pancartes invitant les visiteurs à se scinder en deux groupes, les « Blancs » et les « Autres ». Confrontation immédiate et brutale au délit de faciès dans un endroit déjà chargé par l’histoire.
Cette mise en situation répétée dans Liberté, Égalité, Fraternité, pièce plongée dans l’obscurité et destinée uniquement aux gens de couleur affirme les déséquilibres constants d’une société qui prétend arborer des principes valables pour tous.

On traverse l’obstacle pour être à nouveau mis face à d’autres inégalités. Une étroite cage grillagée surplombée par des lampes chauffantes et du fils barbelés nous rappelle les conditions de détention abusive dans certaines parties du monde. Réflexion sur les droits de l’homme encore bafoués à l’heure actuelle, Guantanamo nous fait appréhender physiquement la surface d’une cellule réservée à deux prisonniers sous une température moyenne de 40°.
Tout comme Justice, Stange Fruit, série de cordes de pendus, hommage aux personnes exécutées à cause de leurs différences, nous sommes amenés à porter un regard différent sur un discours trop souvent admis de manière consensuelle sans véritable altercation physique.

Changement de propos : Jota Castro nous offre des installations, reflets de sa propre construction critique et artistique.
Brains, multitude de tourniquets métalliques qui s’imbriquent les uns dans les autres devient la métaphore du fonctionnement du cerveau lors d’une psychanalyse mais aussi des limites et des obstacles à surmonter lors de toute création. Invité à traverser cet espace, le visiteur se trouve emprisonné dans un labyrinthe mental qu’il lui faut parcourir avec patience pour en trouver la sortie. Processus de fabrication lent et parfois fragile vécu de l’intérieur. Cette oeuvre, plus intime, fait écho aux portraits photographiques qui l’entourent.

Breaking Icons présente des images de figures diverses et incongrues à l’origine de la construction personnelle de l’artiste. Les vitres brisées de tous ces cadres suspendus renvoient à la nécessité intellectuelle de s’affirmer en tant qu’être pensant. Observation dépassée, admiration intégrée et digérée afin de pouvoir revendiquer ses propres choix sans perdre de vue ses racines.
A mi tiempo, poème retranscrit sur le mur en lettres adhésives souligne une nouvelle fois ce désir de dévoilement généalogique. Les vers traduits dans différentes langues révèlent les cultures et les influences propres à Jota Castro. « Laisse moi être et je serai » confirme son envie de Devenir tout en gardant traces de sa maturité minutieusement acquise.

Le parcours se termine par une dernière invitation. Tertulia de autista, salon d’autiste, nous offre la possibilité d’entrer dans le monde clos déterminé par cette maladie. Un épais rideau de chaînes rend l’entrée difficile, bruyante et douloureuse. Le plafond va en diminuant. La couleur rouge des murs et du canapé qui fait face à un téléviseur, fenêtre ouverte sur un ailleurs, renforce l’impression d’enfermement. Plus qu’une allusion à un repliement sur soi, cet espace devient lieu d’expression. L’artiste nous propose chaque semaine ses réflexions ponctuelles, ses réactions face à l’actualité à travers un film vidéo qui nous rapproche davantage de son cheminement intérieur. Ses remises en question et ses doutes deviennent alors, par procuration, des interrogations communes à chacun d’entre nous.

Lire l’entretien de paris-art.com avec l’artiste

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