DANSE | CRITIQUE

Europe Hip hop 1

PNicolas Villodre
@03 Nov 2008

Le hip hop, depuis les premières rencontres de danses urbaines de La Villette est devenu l’un des « genres » en vogue, en France et en Europe.

Storm, Virtuelevation
Nous avions eu l’occasion de rendre hommage à l’animateur de ce mouvement, Sidney, qui avait fait connaître le hip hop à la radio et à la télévision au début des années 80 — son show, H.I.P.H.O.P., fut la première émission au monde consacrée aux disciplines de ce courant artistique et sociologique.
Storm, le Sidney d’outre-Rhin, a contribué, lui aussi, à faire connaître le hip hop dans son pays à travers de nombreuses émissions de télévision, des spectacles ainsi que des compétitions. A la différence du pionnier français, qui est animateur et disque-jockey, Storm est, lui, danseur, chorégraphe et vidéaste.

Dans Virtuelevation, il joue le livreur de pizza à casquette rétro qui passe le plus clair de son temps dans un ascenseur ou à la recherche de l’appartement du client suivant. Storm pratique, à l’occasion, le travail au sol de la breakdance ou du bboying mais il semble qu’il soit plus à son affaire dans les autres branches du hip hop : le locking (inventé par Don Campbell) et le popping (popularisé par les Electric Boogaloos), notamment. C’est un amateur de musique funk. Il se lance parfois dans des acrobaties de casse-cou mais sa danse reste toujours fluide, ininterrompue, d’un seul tenant.

Une demi-heure pour un solo, cela peut paraître long ! D’autant que le chorégraphe ne fait pas dans la dentelle de la danse pure : il se situe plutôt dans le mainstream narratif de la pantomime à l’ancienne, vous savez ? Celle des films tchèques des années 60 à l’humour particulier, pas toujours hilarant. Le scénariste a manqué de suite dans les idées et le scénographe a cru bon de s’encombrer, comme cela arrive, d’un dispositif ou leitmotiv obsessif — un hexaèdre tubulaire post-labanien. Malgré ces écueils, le danseur propose une écriture déliée, explicite, nette et précise.

Le recours à la vidéo, s’il n’est pas vraiment choquant (l’écran étant à la bonne échelle, pas comme ceux, gigantesques, qui détournent le regard des amateurs d’opéra ayant assisté aux récentes mises en scène de Peter Sellars), n’apporte pas grand chose à la petite entreprise de livraison de pizze. Sinon un peu plus de redondance, de synchronie, de trompe-l’œil.

Kader Attou et Accrorap, Petites Histoires.com
Malgré plusieurs défauts auxquels on pourrait facilement remédier — il y a les dites : mis à part le passage amusant en laotien, les monologues sont assez faibles et devraient pouvoir être réécrits ou carrément supprimés ; il y a aussi les redites : le coup des ballons gonflés/gonflants cela va une fois, celui du numéro avec la plume d’oie idem, un morceau de muzzak classique, à la rigueur, pourquoi pas ? L’hommage au dessinateur belge, métaphysique, mais barbant, qu’on associe malgré soi aux années Giscard, Folon, pour ne pas le nommer, n’est ni urgent ni indispensable : pourquoi pas des décors de Bilal ou un coup de chapeau à Plantu, pendant qu’on y est ? Il aurait été plus juste de célébrer le cinquantenaire des Schtroumpfs de Peyo, dont la sortie américaine, fin 1983, du long métrage The Smurfs and the Magic Flute donna la danse smurf et inspira la tenue vestimentaire du breakdancer (large bonnet et gants blancs) ; le syndrome Montalvo ayant encore frappé, le spectacle se termine, pour faire chic, sur un air… barocco ! —, la pièce de Kader Attou est réussie, parfaitement agencée, avec des temps forts et des contretemps plus faibles.

Cofondateur de la compagnie Accrorap avec Éric Mézino et Mourad Merzouki, Kader Attou vient d’être nommé directeur du Centre chorégraphique de La Rochelle, ce qui est une bonne chose pour tout le monde : pour le milieu du hip hop comme pour les Rochelais, dont la ville a été pilote en bien des domaines (voile, cinéma, écologie, etc.).

Le spectacle de Kader Attou fonctionne parfaitement, grâce à ses interprètes qui passent des spécialités de la breakdance à celles des disciplines circassiennes. On chipotera sur l’absence de femmes dans cette distribution. Mais la pièce se voulant plus ou moins autobiographique, c’est de l’univers masculin et de l’enfance de l’art du chorégraphe qu’il est surtout question. Les extraits de journaux télévisés tombent mieux que certains passages de danse-théâtre dont on a soupé.

Et, surtout, la pièce est truffée de trouvailles visuelles, voire poétiques par moments. Pas de la même étoffe que le lyrisme forcé du brouillon textuel ou de ces vers de mauvais slam (y en a-t-il de bon ?) qu’on entend parfois ici ou là (heureusement pas dans cette pièce !). Non, d’images surréalisantes comme celle de la libellule pavlovienne télécommandée avec laquelle le chorégraphe a mis au point un pas de deux qui restera dans les annales. Celle des objets défilant de cour à jardin pendus sur la corde à linge du temps. Et la rencontre inattendue de l’insecte mécanique faisant du tricycle. On a tous un petit vélo dans la tête.

Virtuelevation
— Chorégraphie, interprétation, vidéo, musique, scénographie : Storm
— Création et régie, lumière : Jean-Yves Desaint-Fuscien

Petites histoires.com
— Chorégraphie : Kader Attou
— Scénographie : Guillaume de Baudreuil
— Lumière : Fabrice Crouzet
— Costumes : Nadia Genez
— Collaboration théâtrale : Mohamed Guelatti
— Interprétation : Thô Anothai, Kader Attou, Pierre Bolo, Brahim Bouchelaghem, Hichem Serir Abdallah

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