PHOTO | CRITIQUE

Elina Brotherus

PMagali Lesauvage
@19 Mar 2005

L’artiste finlandaise Elina Brotherus présente pour la troisième fois son travail chez gb agency. Deux œuvres remarquables de poésie et d’introspection, l’une photographique, l’autre vidéo, explorent conjointement le thème de l’intime et du grandiose.

Les photographies d’Elina Brotherus ont cela de commun avec les œuvres des grands artistes romantiques qu’elles parviennent à mêler tout à la fois le sentiment intime, l’introspection de l’artiste, et le grandiose issu de la peinture de paysage.
Ainsi face à la série récente de quarante-cinq photographies Large de vue. Hommage à Erik Satie, songe-t-on aux œuvres du peintre allemand Caspar David Friedrich, notamment à une œuvre telle Femme devant le soleil du matin, du musée d’Essen : à la verticalité du personnage debout, dos au spectateur, face au paysage, s’oppose l’horizontalité du paysage ; l’individu solitaire, l’artiste égotiste fait face au monde, au réel, à la ligne de l’histoire, mais aussi, à une cosmogonie, à un « être au monde » sensible dans la pensée allemande romantique.
Elina Brotherus déclare avoir voulu ici revisiter des thèmes importants dans son œuvre : «Le paysage, l’écoulement du temps, la solitude, l’amour», proches des préoccupations de l’art romantique.

La série est réalisée «en hommage à Erik Satie» : à chacune des photographies, Elina Brotherus a associé une instruction du compositeur, destinée à aider le musicien pour l’interprétation de la pièce pour piano Aperçus désagréables. Le verre sous lequel sont encadrées les photos est gravé de chacune de ces instructions, reprises dans l’ordre du morceau de musique. Très imagées (comme l’expression «large de vue», qui donne son nom à la série et rejoint le thème de la photographie de paysage), les instructions de Satie, dont l’artiste a voulu rendre un «équivalent visuel», l’ont surprise par leur «sensualité».
Se déploie au fil de la contemplation de ces images introspectives une petite musique, proche de celle du compositeur, c’est-à-dire à la fois intime et universelle, introspective et grandiose, où, selon l’artiste, «chaque image peut être lue ou entendue de façon individuelle, mais en même temps, chacune scintille et entre en résonance avec les autres».

La seconde œuvre de l’exposition est un vidéo toute récente : My Happiness Is Round (2007) montre les jeux et intrigues d’une fratrie au milieu de laquelle se trouve une petite fille, dont l’espièglerie vient troubler le paisible ordonnancement du monde tel qu’il est vécu par ses frères. La caméra d’Elina Brotherus suit avec tendresse ces enfants sans parents, sans origines, livrés à eux mêmes, explorant le monde qui les entoure, jouant, riant, sans se soucier ni de l’avenir ni du passé. Là encore l’artiste réussit, par une forme simple, l’association de l’intime et de l’universel.

Elina Brotherus
— Large de vue. Hommage à Erik Satie, 2006. Série de 45 photos encadrées sous verre gravé.
— My Happiness Is Round, 2007. Vidéo HDV. 8’54

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