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Ecrire dit-elle

PRaphaël Brunel
@23 Sep 2008

Marylène Negro place cette exposition sous le signe de l’absence. Les œuvres invitent à un repli sur soi et nouent un rapport d’intimité avec le spectateur. La solitude rôde et la figure humaine s’efface bien souvent au profit d’une parole fragile.

A l’entrée de la galerie Martine Aboucaya, tout est calme. Mais il suffit qu’un spectateur s’engouffre dans le couloir qui mène à l’exposition pour que se déclenche une musique familière, inscrite durablement dans la mémoire collective, celle d’un film de Godard, celle du Mépris écrite par Georges Delerue. Il croit reconnaître la scène d’ouverture où Brigitte Bardot, nue sur un lit, face à un miroir, interroge Michel Piccoli: «Tu préfères mes seins ou la pointe de mes seins ?», «Donc tu m’aimes totalement ?»

En intitulant cette œuvre sonore Camille, Marylène Negro nomme ce qu’elle fait disparaître. Si le spectateur pensait être sur le terrain du connu, il s’aperçoit rapidement que les questions un brin agaçantes de BB (Camille dans le film) se sont envolées. Reste la ritournelle et les réponses laconiques de Piccoli à une femme devenue un fantôme, peut-être un souvenir.

Marylène Negro place ainsi l’exposition sous le signe de l’absence. Les œuvres invitent à un repli sur soi et nouent un rapport d’intimité avec le spectateur. La solitude rôde et la figure humaine s’efface bien souvent au profit d’une parole fragile. On est ici du côté de l’indicible.

Si l’absence évoque la disparition, elle sous-tend la possibilité d’une apparition imminente. Et c’est justement le spectateur qui s’invite dans cette zone aride, qui anime de sa présence les pièces de l’exposition. Camille est activée par une cellule qui détecte le passage des corps. Le mutisme de L’Homme atlantique s’opère avec la connivence du spectateur. Pour devenir palpable, l’absence a besoin d’un vecteur, quitte à ce que celui-ci s’oublie à son tour.

Les Roches noires et L’Homme atlantique mettent en scène la temporalité de l’absence et, au-delà, de l’œuvre projetée. La première est composée d’images du hall de l’hôtel où Margueritte Duras vécut. Elles se superposent avec lenteur, disparaissent en même temps qu’une autre apparaît. Le présent contient encore son passé et déjà son futur.

L’Homme atlantique
reprend l’image du hall sur laquelle Marylène Negro applique un zoom progressif. Elle évolue ainsi imperceptiblement sous l’œil d’un spectateur concentré sur la lecture du texte de Margueritte Duras. Si la voix de l’auteure semble encore hanter les lieux, elle s’adresse directement à cet autre que devient le spectateur. Là encore, l’apparition est la condition de la disparition. Et inversement.

A ces œuvres intimistes succèdent le flot épileptique de Pa : un arbre s’effeuille progressivement des oiseaux qui l’habitent. Les images sont saccadées et rythmées par le bégaiement d’un poème de Ghérasim Luca. Quelque chose se joue à nouveau entre le texte et l’image, une complicité dans l’insondable, l’informulable.

Marylène Negro
Camille, 2008. Installation sonore. 2 min 28 sec.
Muriel, 2008. Vidéo. 2 min en boucle.
L’Homme atlantique, 2008. Vidéo couleur, muet. 33 min 10 sec.
Les Roches noires, 2008. Installation avec double projection couleur, son.
Après, 2008. Vidéo. 18 min 20 sec.
Pa, 2007. Vidéo. 4 min 55 sec.

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