PHOTO

Dr. Saint-Just de Fort Knox

PLéa Bismuth
@12 Jan 2008

Jonathan Meese revendique une violence et une jeunesse éternelles; il se veut absolument libre et authentique, à l’image des artistes pariétaux dont l’art n’est que pure expression et que simple dégagement d’énergie créative, dépensière et gratuite.

«L’art est un jeu d’enfant. Tout le monde peut y arriver, tous ceux dont les instincts sont intacts», c’est avec de telles phrases que Jonathan Meese s’adresse au public dans une performance qui a eu lieu cet été à Hambourg à l’occasion de la rétrospective «Mama Johnny». Cela fait bien sûr écho à une pratique frontale de l’art, d’un art dépouillé de ses artifices et de ses conventions, d’un art véritablement «brut», aurait dit Dubuffet.

En parcourant les salles de la galerie Templon, la «brutalité» de cet art s’affirme pleinement dans les sculptures, les peintures et même dans la vidéo de la performance de Hambourg.
Alors que les sculptures représentent des sortes de monstres marins, poulpes infernaux et autres guerriers amphibiens tout droits sortis d’un film de science-fiction, les peintures semblent être le fruit du délire d’un enfant.

Voir ces peintures relève de l’expérience tant elles sont imposantes et marquantes. Ce qui frappe au premier coup d’œil, c’est leur matière: les toiles sont recouvertes d’une épaisse couche de peinture faite de couleurs fortes et violentes, couleurs qui semblent avoir été déposées à même le tube, dans une rage extatique.
A y voir de plus près, on s’aperçoit que cette couche picturale recèle tout un tas d’objets, que ce soient des vêtements, des élastiques à cheveux englués, des ceintures, ou encore des billets de banque. Des coupures de journaux et des autoportraits photographiques sont également disséminés dans les peintures: comme une signature ou un message codé, ils s’insinuent entre les coulures et les pâtés de couleurs.

L’écriture est également très présente dans les toiles, une écriture maladroite dont les lettres majuscules et minuscules sont formées avec un pinceau qui a l’air de vouloir hurler quelque chose qui serait à la fois trop condensé et trop vrai pour être dit dans de longues phrases détaillées et pragmatiques. Ces mots sont comme criés, à l’exemple de ce «Baby-Nietzsche» et de ces omniprésents «DR.» qui font référence à la figure institutionnelle du «Doktor», du Monsieur établi et bien-pensant.

Et oui, Meese est l’antithèse de ce «Doktor», il est celui qui revendique une violence et une jeunesse éternelles; il se veut absolument libre et authentique, à l’image des artistes pariétaux dont l’art n’est que pure expression et que simple dégagement d’énergie créative, dépensière et gratuite.
Ainsi, dans la performance de Hambourg, tel un prêcheur mystique, il condamne les écoles d’art qui sont à l’origine du «statut» d’artiste et qui, par là-même, brident toute «aptitude révolutionnaire». Il va même jusqu’à dire que tout «professeur d’art» est un «salaud d’oppresseur» qui annihile toute créativité.

C’est donc avec une fougue anarchiste que Meese réalise son œuvre. Et c’est cela qu’a bien compris Christine Macel, commissaire de l’exposition Dionysiac présentée au Centre Pompidou en 2005. Cette exposition faisait entendre qu’un air nietzschéen souffle sur la création contemporaine, notamment en Allemagne et en Autriche.
C’est sans doute le même esprit provocateur et libertaire qui relit Meese, les artistes du collectif Gelatin ou encore Thomas Hirschhorn. Ce qu’il faut retenir de cette référence au Dionysos de La Naissance de la tragédie est tout entier contenu dans l’idée de flux créatif compris comme la production énergétique et libératrice d’un art du mouvement, de l’ivresse, de la Joie spinoziste et du Devenir deleuzien.

En toute fidélité avec sa harangue anarchiste, Meese ne suit aucune loi. Ses œuvres sont des cris poétiques et des coupe-feux contre toutes les formes d’asservissement et de conformisme. Comme il le dit si bien, pour être libre et artiste, il faut parvenir à «rendre son sang imbuvable, par aucun vampire».

(«Mama Johnny», rétrospective aux Deichtorhallen de Hambourg jusqu’au 3 septembre 2006 et au Magasin de Grenoble jusqu’au 14 octobre).

Traducciòn española : Patricia Avena

— Stalinieztsche de Large, im achten Ozean, 2006. Bronze. 66,5 x 46 x 86 cm.
— Fräulein Baby Face kennt nur 12 Menschlein (Dr.Affenschädel aus dem Panzerreich), 2006. Huile et technique mixte sur toile, triptyque. 210 x 421 cm.
— Der Populärgott «Ammeese», 2006. Huile et technique mixte sur toile, triptyque. 210 x 421 cm.
— Pyramidaddy «Fummli», 2006. Huile et technique mixte sur toile. 130 x 210 cm.
— Der kranke Saugeist auf der Zauberburg Luntyrn, 2006. Huile et technique mixte sur toile. 210 x 140,5 cm.
— Dr. No (Meesaint Just II Mein Ich, die Warheit) , 2006. Bronze. 182 x 76 x 60 cm. — Vorspeise «Struppi» im Politikum des Vorstrahls, 2006. Huile et technique mixte sur toile. 210 x 140,5 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO