ART | EXPO

Die Straße

30 Nov - 25 Jan 2014
Vernissage le 28 Nov 2013

Ulla von Brandenburg présente Die Straße, son dernier film, qu’elle intègre dans une installation labyrinthique en tissu métamorphosant l’espace de la galerie. Comme dans Die Straße qui met en scène un homme évoluant dans une rue délimitée par des décors de théâtre, le spectateur est invité à progresser dans un espace clos, défini par les pans de tissus.

Ulla von Brandenburg
Die Straße

«Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois m’en aller d’ici?
— Cela dépend beaucoup de l’endroit où tu veux aller.
— Peu importe l’endroit…
— En ce cas, peu importe la route que tu prendras.
— …. pourvu que j’arrive quelque part», ajouta Alice en guise d’explication.
«Oh, tu ne manqueras pas d’arriver quelque part, si tu marches assez longtemps.»
Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, Gallimard, 1994, p.105

Ulla von Brandenburg présente Die Straße, son dernier film, qu’elle intègre dans une installation labyrinthique en tissu métamorphosant ainsi l’espace de la galerie. Comme dans Die Straße qui met en scène un homme évoluant dans une rue délimitée par des décors de théâtre, le spectateur va être invité à progresser dans un espace clos, défini par les pans de tissus. Comme souvent dans le travail d’Ulla von Brandenburg, l’installation a son importance car elle permet un ancrage spatial, elle est spécifique au lieu qui l’accueille car elle développe un dialogue avec lui et préfigure ce qu’il va se passer dans le film.

Après 8, Singspiel, Chorspiel ou Spiegellied I & II dont l’action se situait dans des maisons ou des intérieurs supposés (Chorspiel), Die Straße a été tourné en plein air et l’histoire se passe dans une rue. L’écrin protégé qu’est la maison permettait à Ulla von Brandenburg d’évoquer la thématique de la famille, des relations entre les individus, créant ainsi une sorte de toile connectant les différents protagonistes entre eux. Dans la rue, en revanche, les habitants qui la peuplent peuvent se connaître sans pour autant être liés, la rue est un espace ouvert et les choses qui s’y passent diffèrent de celles inhérentes à la sphère privée.

Dans Die Straße, un visiteur entre dans la rue et devient le témoin d’une série d’événements tout en restant à l’écart. Rappelant les mécanismes d’Alice au pays des merveilles, dans lequel le personnage principal maintient sa position de regardeur et essaie de comprendre le fonctionnement de ce monde qui lui est étranger, l’acteur principal devient un être à part, en marge du monde qu’il découvre, devenant au fur et à mesure suspect aux yeux des autres. Dans son errance à travers la rue, il devient nous, les spectateurs, étrangers venus d’un autre monde, d’un autre temps et débarquant ici, incapables de comprendre les rites, les actions de ces hommes et femmes qui nous entourent. Comme la jeune Alice, les rares fois où il tente d’intervenir, on assiste au télescopage de ces deux mondes et à l’incompréhension des autres protagonistes. Lui veut aider mais le fait-il vraiment? Ne finit-il pas par déstabiliser l’équilibre existant au sein de ces rituels, de ces événements?

A cette notion de mise à distance s’ajoute la question de l’intemporalité, thème souvent abordé par Ulla von Brandenburg dans son travail, qu’elle explique ainsi: «Quand on ne peut pas définir quelque chose temporellement parlant, on lui attribue automatiquement une affiliation au passé.

Mais qui peut dire qu’en fait il ne s’agit pas plutôt du futur? C’est important pour moi de placer l’action hors du temps et de jouer avec les différentes époques. Mes films évoquent davantage une perspective historique que le passé en tant que tel». Dans ses films et installations, Ulla von Brandenburg crée une distance entre le «ici et maintenat et la temporalité/espace. Cette mise à distance fonctionne comme une sorte de vide qui peut être comblé par des images ou des objets que l’on retrouve à la fois dans le film et en même temps dans l’espace d’exposition.

Les objets ont un rôle prépondérant dans l’art théâtral d’Ulla von Brandenburg et on les retrouve aussi bien dans ses films que dans ses œuvres plastiques. Dans le cadre des films, ils prolifèrent dans l’espace et ne cessent de dépasser le statut d’accessoire ou de simple élément de scénographie.

Dans ses aquarelles et papiers découpés ils deviennent autant de références à des époques différentes, des rites, des symboles qui ont construit nos sociétés. Car finalement de ces objets et références multiples découle ce que nous sommes, nous nous fabriquons et évoluons ou non avec eux. Prenons l’exemple du miroir, objet central dans le travail d’Ulla von Brandenburg, ce dernier est utilisé comme objet, artifice de théâtre et de jeu, il permet d’établir un lien en la fiction et la réalité. En regardant à travers un miroir, nous accédons à un autre niveau de perception et de sens.

Le miroir est un symbole, symbole de la connaissance, du savoir, il montre et reflète différents états de la réalité qui nous entoure: connaissance, réflexion, conscience. Sans pour autant rentrer dans une analyse lacanienne des choses où le miroir permet de prendre conscience du «Je» et de notre propre développement en tant qu’individu, Ulla von Brandenburg en utilisant un tel objet fait allusion à l’individu, sa place dans la société, qui fait quoi? Qui utilise quoi? Quel prix doit-on payer afin de prendre place dans la pyramide du pouvoir?

A ces objets, ces personnages errants, ces protagonistes indatables, s’ajoutent des paroles souvent chantées, toujours en allemand. Les textes rappellent l’écriture automatique des Surréalistes et sont écrits en une seule fois sans pause. Il s’agit toujours d’un discours direct, avec des jeux de mots, des références à des chansons… Ce dialogue, davantage associatif que narratif, permet alors au cerveau de créer automatiquement des connexions et de donner des significations émotionnelles à l’individu qui regarde.

Via le théâtre, la mise en scène, les artefacts, les rites, l’ombre, la lumière ou les traditions populaires, le travail d’Ulla von Brandenburg amène le spectateur à regarder, appréhender des mondes étranges, mais finalement l’amène à se poser la question fondamentale de la place qu’il occupe et du rôle qu’il joue…

Vernissage
Jeudi 28 novembre 2013 à 18h

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